Résumé du mémoire de fin d’études de l’auteur.
L’équitation modifie la biomécanique de la locomotion équine ce qui peut à long terme générer des désordres musculosquelettiques chez les chevaux montés. Basée sur cette assertion, la présente étude a comporté deux objectifs principaux : premièrement (partie 1) la description de l’impact de
l’équitation sur la locomotion du cheval en mesurant les paramètres de la foulée, et deuxièmement (partie 2) l’établissement d’un lien entre les changements biomécaniques et le développement de pathologies locomotrices par le biais d’analyses et de traitements ostéopathiques.
Les données biomécaniques ont été collectées grâce au système Equimetrix basé sur les lois de l’accélérométrie. Huit chevaux de demi-sang suisse d’âge varié et en bonne santé au moment de l’étude
ont été enregistrés au pas et au trot avant et après un court travail sur un transect de sable extérieur de 70 mètres de long. Les conditions de test ont permis la comparaison entre les paramètres de la foulée de chevaux conduits en main (pas de cavalier ni de harnachement) et ceux de chevaux sous la selle d’un cavalier amateur et d’un cavalier professionnel de même poids. En parallèle, des analyses et manipulations ostéopathiques ont été conduites en aveugle sur quatre des huit chevaux. Les paramètres de la foulée des chevaux contrôle et des chevaux traités ont été enregistrés avant et après la consultation ostéopathique.
Il est apparu que l’équitation affecte significativement certains paramètres de la foulée, soit la puissance totale, la puissance médio-latérale, le déplacement et la puissance dorso-ventraux, ainsi que la régularité. Par ailleurs, des tendances se sont dégagées en fonction des compétences du cavalier et du traitement ostéopathique accordé au cheval.
Partie 1
Les comportements suivants ont été observés :
– La régularité de la locomotion est diminuée par la charge (cavaliers assis dans la selle dont les chevaux étaient conduits en main) et l’équitation (résultat validé statistiquement à P<0.001)>
Tout déséquilibre dans l’exercice des forces, des contractions musculaires et du travail articulaire conduit à une sur-utilisation de certaines structures d’où une fatigue qui augmente les chances d’apparition d’une lésion ostéopathique. Cette fatigue diminue les réflexes corporels et augmente les risques de mauvaise coordination et faux mouvements, rejoignant les effets d’une altération de la régularité et de la pureté de l’allure. Par ailleurs, les contractions musculaires et la rigidité articulaire avec diminution d’amplitude sont responsables d’une diminution de vascularisation des zones concernées, facilitant également le développement de pathologies. Au stade actuel de la connaissance des effets quantifiés de l’équitation, il est difficile de prédire si telle ou telle technique équestre est bénéfique ou augmente au contraire les risques de blessure (Roepstorff et al, 2002). Meyer, 1996, souligne qu’une position constamment incorrecte du cavalier peut générer des pathologies aigües et chroniques chez le cheval.
La recherche sur les humains suggère que la charge résulte en l’augmentation des probabilités de lésions du bas du dos et de fractures de stress (Knapik et al., 1996), bien que peu de choses soient sues quant aux mécanismes sous-jacents par le biais desquels la charge influence les divers paramètres de l’allure (LaFiandra et al., 2002). Chez les humains, certains mécanismes en lien avec l’augmentation de la rigidité articulaire due à la charge et avec la souffrance musculaire dans des exercices prolongés ont été proposés afin d’expliquer la plus grande fréquence des blessures (Clarkson et al., 1986 ; Holt et al., 2003). La présente recherche sur les chevaux paraît aller en ce sens : la charge engendre une certaine rigidité articulaire et un travail musculaire et articulaire augmenté et/ou
déséquilibré.
Chez les chevaux, l’impact des forces de réaction du sol a été étudié et il a été observé que la plupart des lésions a lieu à la suite de la mise en charge répétée des membres pendant la phase d’appui de la foulée (Clayton, 1997). La répétition des sollicitations résulte en une sur-utilisation et une fatigue qui précèdent une lésion majeure.
Clayton et al. (1999) ont étudié les effets de la masse du cavalier sur les forces de réaction du sol au trot. Ils suggèrent que, dans les antérieurs, des forces supérieures de réactions du sol et une angulation d’extension du boulet plus importante peuvent éventuellement être associées à une
tension augmentée dans les tissus mous palmaires qui soutiennent le boulet. Ceci soulève la possibilité que la présence d’un cavalier contribue à l’étiologie des blessures des tissus mous. En sus de la plus longue et plus importante extension des boulets, Morales et al. (1998) rapportent une flexion augmentée des articulations de l’épaule et une hyper-extension des articulations du carpe pendant la phase d’appui de chevaux montés au trot. Ceci suggère que ces articulations agissent comme des
ressorts qui amortissent le poids du cavalier, en accord avec le travail de Holmström et al. (1994) et de Back et al. (1995). Ainsi, au niveau des articulations mentionnées, l’effet de la charge paraît au contraire augmenter l’amplitude des mouvements (hyper-flexions et extensions). Du point de vue ostéopathique, si la perte d’amplitude est néfaste quant à l’irrigation des zones concernées, l’augmentation de l’amplitude peut conduire au déclenchement de mécanismes de défense du corps qui verrouille par réaction réflexe les articulations concernées conduisant à la lésion ostéopathique. En effet, pour éviter de franchir la barrière anatomique, voire physiologique, le corps n’autorise qu’une certaine amplitude dans les mouvements de flexion et d’extension qui, lorsqu’elle est franchie, déclenche le verrouillage des structures sur-sollicitées.
Il paraît également logique que certains chevaux soient davantage affectés dans leur locomotion en fonction des exercices demandés et de leurs conformations particulières. Les données de Holmström (2001) indiquent que la conformation a toujours été considérée comme un indicateur important de santé, certaines spécificités de conformation fragilisant le cheval quant au développement de troubles locomoteurs. Johnston et al (2002) affirment qu’il existe des relations nettes entre
la conformation du dos et les mouvements importants à la santé orthopédique du cheval. La partie caudale du rachis paraît davantage sujette aux lésions chez les chevaux avec un dos court, une partie thoracique longue et une faible incurvation de la zone thoracique moyenne. L’inclinaison du pelvis semble également un indicateur de santé et de performance chez les chevaux de sport (Magnusson, 1985 ; Holmström, 2001). En effet, ils ont démontré une relation entre un dos en bonne santé et un angle pelvien faible. Johnston et al. (2002) émettent l’hypothèse que les chevaux montés avec une conformation appropriée sont moins sujets aux lésions, devant effectuer des mouvements d’une
amplitude plus faible pour la même performance que les chevaux avec une conformation inadaptée. Ceci rejoint l’idée émise plus haut : les mouvements d’une amplitude exagérée approchent les limitations des barrières physiologique puis anatomique d’où un risque accru de lésion allopathique ou ostéopathique. Il serait intéressant àce niveau de poursuivre l’étude avec le système Confométrix qui analyse les angulations de la conformation.
Partie 2
Les modifications des paramètres de la foulée, envisagées ci-dessus comme des causes du développement des pathologies ostéopathiques, peuvent également en être les conséquences. En effet, les modifications
tout d’abord uniquement perceptibles sous l’effet de la charge et de l’équitation sont réversibles jusqu’à la lésion ostéopathique. Une fois la lésion installée, les altérations des paramètres de la foulée sont fixées et ne peuvent être levées que par le traitement ostéopathique.
Ainsi, en théorie, les chevaux manipulés devraient montrer les changements suivants dans les paramètres de leur foulée :
– Une augmentation de la régularité
– Une augmentation de la symétrie
– Une augmentation de la pureté de l’allure
– Une diminution de la fréquence
– Une diminution de la longueur
– Une augmentation du déplacement dorso-ventral
– Une augmentation de la puissance dorso-ventrale
– Une diminution de la puissance de propulsion
– Une augmentation de la puissance médio-latérale
– Une augmentation de la puissance totale
En pratique, les quatre chevaux au bénéfice de manipulations ostéopathiques ont montré une augmentation de la régularité, de la symétrie, du déplacement dorso-ventral et de la puissance de propulsion, ainsi qu’une diminution de la fréquence de la foulée. Les statistiques effectuées confirment ces tendances pour la régularité, la fréquence de la foulée et la puissance de propulsion.
Par ailleurs, deux points clefs sont à souligner :
– La régularité semble améliorée par le soulagement des dysfonctions lombaires
– La symétrie semble améliorée par le soulagement des dysfonctions sacrales
Les résultats de cette étude confirment donc que l’équitation affecte certains paramètres de la foulée équine. L’influence dynamique du cavalier amateur paraît plus importante que celle du cavalier professionnel qui semble à même de réduire certains changements (notamment au niveau de la symétrie de la locomotion) ; le bon cavalier limite donc le développement des dysfonctions ostéopathiques.
Enfin, ce travail apporte des idées, des tendances, qu’il serait intéressant de confirmer avec davantage de données chiffrées, soit essentiellement un nombre plus important de chevaux. La répétabilité gagnerait également à être vérifiée par un plus grand nombre de données grâce à l’outil Equimetrix® qui s’est révélé être un système de test tout à fait valable pour investiguer plus avant les traitements ostéopathiques.
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Références :
– Back, W., Schamhardt, H.C., Savelberg, H.H., van den Bogert, A.J., Buin, G, Haartman, W., & Barneveld, A. (1995). "How the horse moves : 1. Significance of graphical representations of equine forelimb kinematics." Equine Veterinary Journal 27 : 31-38.
– Clarkson, P. M., Byrnes, W.C., McCormick, K.M., Turcotte, L.P., & White, J.S. (1986). "Muscle soreness and serum creatinine kinase activity following isometric, eccentric, and concentric muscle exercise." International Journal of Sport Medicine 7(3) : 152-155.
– Clayton, H. M., & Bradbury, J.W. (1997). Lameness dynamics. Wild West Veterinary Conference.
– Clayton, H. M., Lanovaz, J.L., Schamhardt, H.C., & van Wessum, R. (1999). "The effects of a rider’s mass on ground reaction forces and fetlock kinematics at the trot." Equine Veterinary Journal Supplement 30 : 218-221.
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– Holmström, M. (2001). The effects of conformation. Equine Locomotion. W. Back, & Clayton, H. Philadelphia, W.B. Saunders & Co : 235-241.
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– LaFiandra, M., Holt, K.G., Wagenaar, R.C., & Obusek, J.P. (2002). "Transverse plane kinetics during treadmill walking with and without load." Clinical Biomechanics 17 : 116-122.
– LaFiandra, M., Wagenaar, R.C. , Holt, K.G. & Obusek, J.P. (2003). "How do load carriage and walking speed influence trunk coordination and stride parameters ?" Journal of Biomechanics 36 : 87-95.
– Magnusson, L. E. (1985). Studies on the conformation and related traits of the Standardbred trotters in Sweden. Relationship between conformation and soundness in 4-year old Standardbred trotters. Uppsala, Sweden, University of Swedish Agricultural Sciences.
– Meyer, H. (1996). "Zum Zusammenhang von Halshaltung, Ruckentatigkeit und Bewegungsablauf beim Pferd." Pferdeheilkunde 12(6) : 807-822.
– Morales, J. L., Manchado, M., Vivo, J., Galisteo, A.M., Agüera, E., & Miro, F. (1998). "Angular kinematic patterns of limbs in elite and riding horses at trot." Equine Veterinary Journal 30 : 528-533.
– Roepstorff, L., Johnston, C., Drevemo, S., & Gustas, P. (2002). "Influence of draw reins on ground reaction forces at the trot." Equine Veterinary Journal Supplement 34 : 349-352.