INTRODUCTION
Le titre est un clin d’œil à Milan Kundera (22) et à son ‘insoutenable légèreté de l’être’… à la dualité du corps et de l’âme et à sa riche et immense complexité. L’immensité évoquée ici pose l’une des plus grosses difficultés lorsque nous découvrons l’ostéopathie et que nous souhaitons l’utiliser au quotidien dans notre pratique vétérinaire :
Où commencer mais surtout où finir dans la découverte et la compréhension du corps de l’animal qui nous est confié ? Comment s’y prendre sans perdre le fil conducteur parfois si léger et fuyant de son
fonctionnement et surtout sans s’y perdre soi même ? Car l’ostéopathie est une médecine holistique, qui doit donc par sa définition même prendre en compte l’individu ou l’animal dans sa globalité. C’est aussi une science très précise pour son fondateur Andrew Taylor Still (37) en même temps qu’une philosophie. Nous découvrons avec elle un univers infini de possibilités d’exploration d’un individu où s’entremêlent les dualités scientifiques médicales et une approche plus philosophique et universelle de la médecine et de la santé.
Qu’entendons nous par médecine holistique et en quoi l’ostéopathie est-elle une médecine holistique ? Prenons un exemple concret : nous voyons en consultation d’ostéopathie les quarante-cinq individus d’un troupeau de Mérens. Ils présentent pratiquement tous une dysfonction de la troisième vertèbre lombaire dont la mobilité est réduite, elle est comme attirée vers l’intérieur de l’animal, en rotation plane. Cette vertèbre n’est nullement déplacée mais restreinte dans ses mouvements physiologiques : en dysfonction ostéopathique . C’est en explorant le corps et l’environnement de ces animaux que les causes à l’origine de cette dysfonction seront découvertes.
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L’exploration globale du corps tout d’abord révèle un fort lien fonctionnel, anatomique, physiologique et énergétique, entre cette troisième vertèbre lombaire en dysfonction et des troubles du gros intestin. Ces troubles se
présentent sous forme de défaut de mobilité ou d’une mobilité anormale de type wiplash (4), des diarrhées, des crottins malodorants, un abdomen ballonné, etc.
L’exploration du lieu de vie (le sol y est très pentu car montagneux) peut expliquer les phénomènes de wiplashs verticaux, dysfonctions entre la colonne vertébrale et le contenu intestinal, fréquemment rencontrés chez ces chevaux. Chez l’homme, ce wiplash ou coup de fouet, dû à un choc physique ou émotionnel violent est en général sur le plan du mouvement respiratoire primaire un asynchronisme entre le crâne et le sacrum, la nature de la dysfonction étant liquidienne. Ces wiplashs chez les
chevaux apparaissent au cours de chutes, d’arrêts brusques, ou de roulades. Ils entraînent des perturbations proprioceptives et des troubles aussi divers que de la raideur, de l’apathie ou des perturbations du transit digestif suite à l’étirement par la masse intestinale et son contenu liquidien, des ligaments les reliant à la voûte lombaire. En effet, cette ‘masse liquidienne’ poursuit son mouvement après l’arrêt brusque du cheval (4).
Les conditions d’élevage et la saison sont intéressantes à analyser et expliquent également les troubles rencontrés : la nourriture d’hiver est essentiellement à base de foin et de plantes de montagne relativement pauvres en cette saison. Il y a très peu de pâturage car celui-ci doit être préservé pour la repousse printanière.
Les éleveurs, par choix d’élevage biologique, ne vermifugent qu’une fois par an, ce qui peut sembler insuffisant sur un espace volontairement réduit en hiver par ce même souci de préservation des pâturages de printemps. Ceci entraîne un déséquilibre entre le milieu de vie et l’animal, ce dernier subissant une très forte pression parasitaire qui participe ainsi au dysfonctionnement intestinal et aux modifications observées sur la troisième vertèbre lombaire.
Dès lors plusieurs questions nous sont posées : quelles globalités intégrer pour appréhender ‘ostéopathiquement’ l’animal présenté en consultation ? Nous voyons sur ce premier exemple que la prise en compte seule du
cheval est loin d’être suffisante dans une approche globale. Quelles difficultés s’opposent à nous en tant que vétérinaires issus de formation dite classique ? Quelles nouvelles complexités rencontrons-nous dans l’approche ostéopathique ?
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