Influence de l’avancement de la mandibule sur la posture générale.
Étude stabilométrique et compléments électromyographiques.
Cédric Bazert
Thèse soutenue le 16 décembre 2008 - Université Bordeaux 1, école doctorale des sciences physiques et de l’ingénieur, spécialité mécanique.
Résumé
Les orthèses de propulsion mandibulaire sont fréquemment utilisées en orthopédie-dento-faciale pour stimuler le développement de ce maxillaire. Le déplacement antérieur de son centre de gravité et les tensions musculaires et viscérales (appareil aéro-digestif) qui apparaissent alors sont susceptibles d’influer sur la posture du sujet debout. Pour le déterminer, une étude stabilométrique a été menée.
Elle permet de mettre en évidence les variations de position de la projection au sol du centre de gravité du corps (PGv). Les effets du port de trois orthèses imposant une quantité de propulsion différente ont été analysés, comparés entre eux et à la situation sans orthèse portée. Ces résultats ont été complétés par ceux issus d’une étude électromyographique, menée pour détecter les muscles mis en jeu dans le contrôle de l’équilibre.
L’ensemble de ces expérimentations montre principalement une perte du contrôle postural (augmentation des oscillations de PGv) et un repositionnement plus postérieur du centre de gravité corporel lors d’avancement mandibulaire important, et ce d’autant plus que l’orthèse portée provoque peu de désocclusion inter-maxillaire.
Une activité accrue des muscles fléchisseurs dorsaux du pied, de la hanche, du cou et extenseurs du rachis lombaire accompagne ces variations de position de PGv. Une hypothèse d’adaptation posturale en réaction à l’avancement de la mandibule est formulée ainsi qu’une critique et une évolution du protocole d’étude.
Mots-clés : Propulsion mandibulaire – Stabilométrie – Plateforme dynamométrique – Electromyographie – Centre de gravité – Centre de pression – Adaptation posturale – Rachis – Muscles
Abstract
Mandibular propulsion splints are frequently used in dento-facial orthopedics so as to stimulate the development of this maxilla. Consequently, we can notice that its centre of gravity moves forward but also that visceral (the aerodigestive apparatus) and muscle tensions appear.
These elements are likely to have an influence on the position of a person standing. A stabilometric study was carried out to highlight the changes in the projection onto the ground of the body centre of gravity (PGv).
We analysed and compared the effects of the wearing of three different splints (each of which required a different level of propulsion). But a comparison between these results and the normal situation (no splint worn) was also drawn.
Moreover, an electromyographic study was carried out to find out which muscles were stimulated in the balance control. Its results were then added to those of the stabilometric study.
These experiments mainly show that we lose control of the postural equilibrium (increase of the PGv oscillations). It also shows that when the mandible is significantly moved forward, the body center of gravity goes back into a more posterior position. This is all the more true as the splint worn does not cause much inter-maxillar disocclusion.
The back flexor muscle of the foot, of the hip, of the neck and the extensor muscle of the lumbar rachis are greatly stimulated in the variations of the PGv.
A postural adaptation to the mandibular advancement is hypothetically expressed, together with a criticism and an evolution of the study procedure.
Keywords : Mandibular propulsion – Stabilometry – Dynamometric platform – Electromyography – Gravity center – Center of foot pressure – Postural adaptation – Spine – Muscle
Introduction
Les thérapeutiques d’avancement mandibulaire sont fréquemment utilisées en orthodontie pour les corrections orthopédiques ou chirurgicales des rétrognathies mandibulaires ou lors du traitement de certaines apnées obstructives du sommeil. Elles provoquent localement des modifications des relations intermaxillaires et des rapports mandibulo-craniens, mais aussi des sollicitations de l’ATM (tensions ligamentaires, méniscales, musculaires), des étirements et des contractions des muscles masticateurs et des muscles rétropulseurs mandibulaires.
Par contre très peu de travaux nous renseignent sur l’influence à distance de ces grands déplacements mandibulaires.
À une époque où une approche globale du patient est privilégiée, il est essentiel de mieux évaluer les effets de ces traitements au-delà de l’extrémité céphalique, pour diminuer leur potentiel iatrogène éventuel et pour mieux cerner leur influence bénéfique sur certains troubles de l’appareil locomoteur notamment.
La propulsion mandibulaire perturbant l’équilibre hyo-cranio-mandibulaire, doit induire une adaptation posturale globale. Il est donc indispensable d’étudier l’influence sur la posture générale des orthèses d’avancement mandibulaire et plus particulièrement l’influence de la quantité de propulsion qui diffère suivant les concepts orthopédiques. Propulsion progressive ou propulsion d’emblée de grande amplitude semblent avoir une efficacité orthopédique similaire mais pourraient avoir un impact postural peut-être différent.
Nous avons donc étudié à l’aide d’une plateforme de stabilométrie le comportement du centre d’appui podal (CdP) qui renseigne sur les oscillations du centre de gravité du corps, auquel il généralement assimilé, et sur les efforts exercés par l’individu, debout, pour conserver son équilibre.
Au cours du premier chapitre nous effectuerons une revue de littérature sur l’influence de modifications des rapports inter-maxillaires sur la posture de la tête et sur la posture générale, puis nous détaillerons l’apport de la stabilométrie et les principales mesures qui s’y rapportent.
Un second chapitre sera consacré à une étude stabilométrique dont le principal objectif est la mise en évidence d’une réponse posturale à l’avancement de la mandibule. Plusieurs orthèses imposant une quantité de propulsion mandibulaire différente ont été testées.
Au cours d’un troisième chapitre nous discuterons tout d’abord des résultats stabilométriques. Ils seront renforcés par des compléments d’étude électromyographiques pour rechercher les muscles impliqués dans l’adaptation posturale observée. Une hypothèse d’équilibre général est formulée.
Enfin, la dernière partie de ce travail sera consacrée à la critique et à l’évolution du protocole d’étude avant d’évoquer les perspectives pouvant prolonger ce travail.