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Pour une didactique de l’esprit critique

Richard Monvoisin
 
vendredi 2 septembre 2016 par Richard Monvoisin

Pour une didactique de l’esprit critique
Zététique & utilisation des interstices pseudoscientifiques dans les médias

Richard Monvoisin


Thèse co-dirigée par les Prs. P. Lévy & H. Broch - Soutenue le 25 octobre 2007 - UNIVERSITÉ Grenoble 1 – Joseph Fourier - ÉCOLE DOCTORALE EDISCE - Doctorat - Didactique des disciplines scientifiques - Jury : Pr. Henri Broch (directeur) , Pr. Patrick Lévy (directeur), Pr. Claudine Kahane (présidente), Pr. Jean Bricmont (rapporteur), Pr. Guillaume Lecointre (rapporteur)
Sujet – Le développement et l’enseignement d’outils zététiques à partir des défauts de la vulgarisation et de la médiatisation des sciences.
Pour les étudiants / journalistes / enseignants, elle contient un certain nombre d’effets et de biais de raisonnement, de mises en scènes médiatiques de la science, et présente quelques fiches pédagogiques.

Le Site de l’Ostéopathie remercie Richerd Monvoisin de l’avoir autorisé à présenter sa thèse



Résumé

Cette thèse s’appuie sur le constat déjà connu que les capacités critiques mobilisables par un individu pour distinguer entre science et pseudoscience ne sont pas corrélées à son niveau d’études. L’hypothèse défendue est que le rôle joué par les médias dans la transformation et la scénarisation des savoirs est autant un rôle de fabrication de la culture scientifique moyenne qu’un rôle de marqueur des ambiguïtés les plus courantes sur la question de la démarche scientifique. Partant de la notion d’interstice pseudoscientifique dans la transposition des savoirs, la démarche zététique a été grandement mise à contribution pour élaborer une panoplie d’outils exploitables auprès d’étudiants sur la base des supports médiatiques les plus accessibles.
S’il a été question dans la première partie de prendre les précautions philosophiques et épistémologiques incontournables de la démarche scientifique — matérialisme, rationalisme et scepticisme notamment — et de les rendre enseignables, la deuxième partie a approfondi les spécificités des champs dits pseudoscientifiques et ‘paranormaux’ qui fournissent aussi bien des mises en scène fantasmatiques courantes de la connaissance que, poussées à leur extrême, de tragiques aliénations.
La troisième partie s’est essayé à donner quelques éléments de compréhension des enjeux de la vulgarisation scientifique dans un contexte médiatique marchand, avec la description de quelques-unes des contraintes médiatiques s’exerçant sur le savoir savant qui vont jusqu’à parfois dénaturer ce dernier. Enfin la quatrième partie, prenant pour base les supports de vulgarisation les plus communs, dresse une sémiologie d’outils spécifiques pour prévenir les interstices pseudoscientifiques, qu’ils prennent des formes lexicales, rhétoriques, argumentatives ou scénaristiques.
Ces outils ont la spécificité, outre d’être des objets conceptuels zététiques, d’avoir été enseignés et remaniés in situ, durant quatre années d’enseignements à l’esprit critique dans l’enceinte de l’Université Joseph Fourier, Grenoble 1, sur les trois cycles universitaires de plusieurs filières. Ils fournissent une gamme de séquences didactiques exploitables facilement pour tout enseignant percevant tant la nécessité scientifique que sanitaire et « citoyenne » d’élaborer chez les étudiants des modes d’autodéfense intellectuelle vis-à-vis des sollicitations pseudoscientifiques, pseudomédicales et spiritualistes qui ne manqueront pas de leur échoir.
Mots clés : Esprit critique, Zététique, Pseudosciences, Médias, Didactique, Scepticisme, Interstices


Abstract

This work is based on the already well known report that critical skills that may be solicited by an individual to distinguish between science and pseudosciences, are not correlated on his level of studies.
The defended assumption is that the part played by the media in the transformation and the scenarisation of the knowledge is as much a role of manufacture of the average scientific culture as a role of marker of the most current ambigüities about the question of the scientific method.
On the basis of the concept of pseudoscientific pitfall in the transposition of the scientific knowledge, the zetetic method was largely put at contribution to work out a panoply of exploitable tools with students, on the simple basis of the most accessible mediatic supports.
If there was some discussion in the first part about taking the inescapable philosophical and epistemological precautions of the scientific method — materialism, rationalism and skepticism especially — and making them teachable, the second part went deeper into specificities of the paranormal claims and fields known as pseudoscientific which as well provide current fantastical settings in scene of knowledge as, pushed to extreme, horrendous alienations.
The third part was tried to give some elements of comprehension of the stakes of the scientific popularization in a commercial media context, with the description of some of the media constraints being exerted on the knowledge which go until sometimes denaturing it.
Finally the fourth part, based on the most common popularization supports, draws up a semiology of specific tools to prevent those pseudoscientific pitfalls, whenever they take of the lexical, rhetoric, argumentative or scenaristic form.
In addition to being critical conceptual objects, these tools have the specificity of being taught and revised in situ, during four years of critical thinking teachings in the University Joseph Fourier, Grenoble 1, to students from the three university cycles, and from various fields.
They provide a range of didactic sequences easily workable for any teacher aware of as well the scientific, medical and citizen necessity to spread among student modes of an intellectual self-defence toward pseudoscientific, pseudomedical and spiritualistic enticements that may befall them.
Keywords : Critical thinking, Zetetics, Pseudosciences, Medias, Didactics, Scepticism, Pitfalls.


Introduction générale

Je voudrais demander au lecteur d’envisager favorablement une doctrine qui peut, je le crains, paraître extrêmement paradoxale et subversive. La doctrine en question est la suivante : il n’est pas désirable de croire en une proposition lorsqu’il n’y a aucune raison de penser qu’elle est vraie. - Bertrand Russell

La démarche qui nous a animée a été fortement motivée par la découverte très contre-intuitive que la transmission des connaissances en sciences ne suffit pas à forger un esprit critique suffisant. Depuis les années 70, un certain panel d’études sociologiques a montré que niveau d’études et niveau d’adhésions à des thèses pseudoscientifiques ne sont pas, comme l’aurait laissé croire le bon sens, inversement corrélés. La transmission de connaissances scientifiques ne se fait pas sans heurts.

Nous avons d’abord suggeré que la part de transmission liée aux médias semblait fortement parasitée par toute une panoplie de contraintes faisant indirectement le lit de croyances pseudo-scientifiques, lesquelles sont à l’exact opposé de l’objectif éducatif annoncé. Décrire ces contraintes aux étudiants permettrait alors peut être d’atténuer une part des nuisances occasionnées.

Puis l’idée nous est venu de prendre le problème à l’envers : partir d’abord des médias eux-mêmes et remonter vers l’épistémologie des sciences. Cela permettrait alors d’être dès le début dans le vif du sujet, dans la mode, et d’accrocher l’apprenant. Cela permettrait aussi d’illustrer facilement et in vivo les contraintes en question, en particulier avec la méthode zététique, aussi efficace qu’émoustillante. Avec le soutien de H. Broch et de plusieurs collègues grenoblois, nous entreprîmes alors la création de cours spécifiques de didactique de l’esprit critique, avec l’objectif de tester des moyens d’instiller ce regard critique vis-à-vis des mass-media lorsque ceux-ci offrent du contenu scientifique.

Le rêve que nous avons nourri ensuite fut de mettre progressivement à disposition une sorte de creuset méthodologique dans lequel un enseignant universitaire souhaitant stimuler les
compétences critiques chez ses étudiants puisse puiser sans trop de difficulté. Il s’avère avec le recul qu’il s’agissait d’une entreprise bien complexe à plusieurs points de vue.

Complexe tout d’abord en raison de l’objet cognitif en lui-même : l’esprit critique. Qu’en dire ?
Quelles compétences, quelles habilités, quels savoir-faire développer, quels savoir-être mettre en jeu ? Peut-on, à l’instar d’un outillage mathématique ou physique, prétendre que quelqu’un a « acquis » de l’esprit critique ? O. Chenevez en fait le constat en introduction à son Cahier Pédagogique :

« On n’enseigne pas l’esprit critique, il n’existe aucune méthode d’« esprit critique en cinquante leçons », à délivrer selon une posologie savante. Aucune mesure, aucune évaluation précise ne permet de délivrer un brevet « d’esprit critique ». L’esprit critique s’acquiert, petit à petit, par l’expérience, l’habitude de faire appel transversalement aux savoirs et de les
questionner » (Chenevez 2000).

Les questionner. C’est le point qui a mobilisé notre attention. Quelles techniques pouvons-nous mettre en place pour questionner ces savoirs, les tâter, les soupeser, se les approprier et éventuellement les rejeter ? Il n’existe qu’une littérature très éparse sur la question. À cela plusieurs raisons peuvent être invoquées.

D’abord, les contenus d’enseignement du supérieur en sciences ne sont pas décrits. Ensuite, leur transmission y est extrêmement formelle. Il est dispensé majoritairement de la connaissance brute, noble, « efficace ». Tout ce qui en déborde est perçu comme une perte de temps ou d’argent d’investissement, comme les dernières décisions politiques concernant les universités finissent de nous en convaincre. C’est ainsi que la méthodologie scientifique, l’épistémologie, la psychologie sociale, la philosophie, l’histoire et la sociologie des sciences, épargnant une grande majorité des étudiants, risquent la mise sur la sellette.

Enfin, cette connaissance brute répond moins volontiers à la création d’esprits larges qu’à la demande mercatique. De fait, enseigner l’esprit critique est non nécessaire pour une adaptabilité au marché de l’emploi. On nous l’a répété plusieurs fois.

Corrélation ou causalité, il existe très peu de séquences d’enseignement spécifiques dévolues à l’esprit critique dans les cursus scientifiques. Lorsqu’elles existent, elles sont extrêmement sensibles aux bourrasques politiques intra-université, et aux suppressions de crédits déjà fort discrets. C’est le suivi des séquences, pourtant plusieurs fois menacées, de Henri Broch, qui nous fit comprendre qu’une bonne partie du travail avait, fort heureusement pour nous, déjà été entrepris.

Le plan que nous avons choisi est le suivant :

Dans la première partie, Science, pseudosciences et esprit critique, nous préciserons les cadres de travail dans lequel nous nous inscrivons, et nous prendrons un certain temps à exposer un terrain conceptuel qui n’est pas évident. Cette partie ne devait pas être aussi longue, mais nous avons constaté dans nos enseignements que la mise au point préalable de certains aspects conceptuels permettait l’économie de bon nombre d’incompréhensions. Nous avons compris que la définition simple des cadres de travail participe déjà d’une construction de l’esprit critique, et dès lors les préambules de nos enseignements y sont dévolus.

Dans la deuxième partie, Sciences et pseudosciences, nous tenterons de brosser quelques points caractéristiques de ces constructions intellectuelles que l’on dit pseudoscientifiques, et quelques outils permettant de les analyser au moins sommairement. Tous les points choisis sont des points ayant été testés dans des séquences pédagogiques.

Dans la troisième partie, Pseudosciences et médias, nous aborderons le rapport ambigü qu’entretiennent les médias à teneur scientifique avec le contenu qu’ils présentent. Nous tenterons de montrer que certaines de ces transformations font le lit de croyances pseudoscientifiques.
Dans la quatrième partie, Médias et esprit critique – outillage zététique, nous tenterons à l’aide de l’outillage zététique de brosser quelques manières d’utiliser ces médias et leur analyse dans une visée d’élaboration de l’esprit critique chez l’étudiant. Nous ne présenterons que des outils que nous avons déjà nous-même éprouvé dans nos enseignements.

Les annexes présenteront, quant à elles, des fiches pédagogiques qui servent d’appoint aux divers outils élaborés, et ont déjà servi de fiches de cours.


Sommaire

Table des matières
Avant-propos
Mise en garde
Introduction générale
1. Science, pseudosciences et esprit critique
 1.1 Cadre didactique : la zététique comme didactique de l’esprit 1.2 Cadre épistémologique
 1.3 Cadre philosophique
2. Sciences et pseudosciences
 2.1 Mises en gardes préalables
 2.2 Intermezzo : le champ du paranormal
 2.3 Pseudoscience : définition et mise au point
 2.4 Critères de démarcation, quelques outils pédagogiques
 2.5 Cheminement classique de la naissance d’une pseudoscience
3. Pseudos sciences et médias
 3.1 Médias reflets, mais aussi générateurs de misconceptions
 3.2 L’accès à l’information scientifique : premières inquiétudes
 3.3 Manufacture de l’information et cercle vicieux de la vulgarisation scientifique
 3.4 La publicitarisation de la science
 3.5 Le succès des pseudosciences sur fond de maffesolisme
 3.6 Hypothèses de travail : la critique des médias comme prophylaxie des pseudosciences
4 Médias et esprit critique – outillage zététique
 4.1 Interstices pseudoscientifiques et enseignement
 4.2 Ips de type 1 : Ips Lexicaux ou la gamme des effets paillasson
 4.3 Ips de type II : Ips logico-argumentatifs
 4.3 Ips de type III : Ips scénaristiques
Critique
Conclusion
Annexes
Fiches pédagogiques


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