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Paradigme ostéopathique et Pratique de l’ostéopathie

Guy Ortega, Ostéopathe
 
mercredi 18 juillet 2012 par Guy Ortega

Paradigme ostéopathique et Pratique de l’ostéopathie

Guy Ortega, Ostéopathe


Mémoire de fin d’études en vue de l’obtention du Diplôme d’Ostéopathe - C.S.O.F Paris Année 2009-2010. Tuteur : Arnaud Chatégner-Dupré Ostéopathe D.O.

Le Site de l’Ostéopathie remercie Guy Ortega de l’avoir autorisé à publier son Mémoire en ostéopathie


Résumé - Abstract

La pratique de l’ostéopathie est fondée sur un corpus théorique issu de la tradition. Aussi de la volonté de perpétuer ce savoir naît la nécessité de le faire évoluer et de l’intégrer dans une démarche raisonnée. L’ostéopathie en tant que pratique clinique doit réunir deux impératifs majeurs : l’ajustement des connaissances aux données les plus probantes de la science et la recherche de cohérence entre la théorie ostéopathique et une approche clinique raisonnée. Le cadre théorique doit permettre d’établir une normativité de la pratique et l’élaboration d’un référentiel qualité de l’ostéopathie. Notre démarche doit être guidée par des principes régulateurs de l’action représentés par l’éthique clinique et pouvant nous aider à faire bon usage de l’ostéopathie.
Mots-clés : Ethique, théorie, pratique, connaissances, référentiel qualité


Abstract : Osteopathic paradigm and the practice of osteopathy

The practice of osteopathy is built on a theoretical corpus originating from tradition.
As a consequence, the necessity to make it evolve and to integrate it into a reasoned methodology comes from the will to perpetuate this knowledge. Osteopathy as a clinical practice has to take into consideration two major imperatives : the adjustment of the knowledge to the best evidence of science and the search for a coherence between the osteopathic theory and a reasoned clinical methodology. The theoretical framework should allow the creation of a normativity of the practice and the elaboration of a quality referential of osteopathy. Our approach must be guided by action regulating principles, represented by the clinical ethics that allows us to make good use of osteopathy.
Key words : Ethics, theory, practice, knowledge, referential, quality


Remerciements

Merci au C.S.O.F. pour la qualité de son enseignement et pour son esprit de famille.
Merci à Arnaud pour sa disponibilité sans faille, pour ses conseils et son soutien tout au long de notre trop brève collaboration.
Merci à Hubert Bleuze, ostéopathe de talent, pour sa confiance et pour m’avoir ouvert sans restriction les portes de son cabinet, merci de tout cœur.
À Camille pour ses talents informatiques
À vous, Alexandra, Thomas et Manon, pour votre présence et votre patience tout au long de ces longues années.


Sommaire général

Remerciements
Introduction
I. Quelques définitions
II. La théorie : 1ère partie
 1. Le concept ostéopathique
 2. Principes Ostéopathiques
 3. La notion de dysfonction somatique
II. La théorie : 2e partie
 4. Les trois modèles
II. La théorie : 3e partie
 5. Modélisation du concept
 6. Le diagnostic ostéopathique
 7. De la nécessité au diagnostic
 8. Les outils du diagnostic manuel
  III. La pratique
 1. L’application du raisonnement ostéopathique
 2. Les sources d’erreurs et de confusion.
 3. Les sources de confusions.
IV. Du bon usage de l’ostéopathie, une question d’éthique ?
 1. Entre éthique et déontologie.
 2. Quelques principes essentiels
 3. Qu’est-ce que la qualité en matière de soins ?
 4. Qu’est-ce que la compétence ?
 5. Synthèse
V. Discussion : La théorie peut-elle prendre à défaut notre pratique ?
 1. Comment se construit une théorie scientifique ?
 2. Quand peut-on dire d’une théorie qu’elle est scientifique ?
 3. L’accord entre théorie et pratique ?
VI. Conclusion

Bibliographie
Table des Matières 


Introduction

« La théorie est l’hypothèse vérifiée après qu’elle ait été soumise au contrôle du raisonnement et de la critique. Une théorie, pour rester bonne, doit toujours se modifier avec le progrès de la science et demeurer constamment soumise à la vérification et la critique des faits nouveaux qui apparaissent. Si l’on considérait une théorie comme parfaite, et si on cessait de la vérifier par l’expérience scientifique, elle deviendrait une doctrine »
Claude bernard (1813-1878)

L’originalité de l’héritage ostéopathique constitue le fondement même de notre pratique. La singularité du concept, tient à ce qu’il constitue une vision, un point de vue, bien particulier de l’homme. Par souci de transmission de ce patrimoine, la référence aux préceptes fondateurs est bien souvent devenue la règle, au risque de voir le conformisme ostéopathique remplacer l’enseignement de l’ostéopathie, perpétuant ainsi au nom de la tradition le principe, selon lequel une théorie, pourvu qu’elle ait résisté au temps, se voit investie de toutes les garanties nécessaires à son maintien.

Volontiers traditionaliste, cet enseignement s’attache bien évidemment à préserver les valeurs qui lui sont propres. Le modèle ostéopathique s’est enrichi depuis ses débuts, de l’apport de nouvelles connaissances, étendant ainsi de façon significative son champ d’application. C’est sur la base de ses principes fondateurs, encore en application de nos jours que repose notre pratique. Aussi de cette volonté de perpétuer ce savoir, nait la nécessité de le faire évoluer.

Ce mémoire tente de répondre à une double question :

La mise en pratique sans condition de nos théories, nous permet-elle de faire bon usage de l’ostéopathie ?
Si la théorie peut prendre à défaut notre pratique, existe-t-il des garde-fous, pouvant en limiter les excès ?

La problématique bien que non spécifique au monde de l’ostéopathie prend un sens tout particulier, à l’heure de la reconnaissance où il serait hasardeux de diluer notre approche dans la diversité des pratiques, car les antagonismes qui opposent les différents enseignements aussi bien dans leur manière de concevoir la pratique, ses indications, ses limites, ou sa place dans le système de soin, ne sont-ils pas bien réels ? Avant de nous intéresser à notre sujet, il nous faudra donner quelques éléments pour comprendre ce qu’est l’ostéopathie. Nous diviserons notre travail en deux parties, la première nous amènera à en considérer l’aspect purement théorique, la seconde tentera de mettre à jour si possible, les difficultés potentielles d’adaptation du cadre théorique à celui de la pratique.


I. - Quelques définitions

La compréhension du concept ostéopathique fait appel à plusieurs notions d’ordre général. De façon non exhaustive, nous en avons retenu quelques unes, qui nous semblent fondamentales, car significatives de la singularité de la prise en charge ostéopathique.

1. La santé

Le concept moderne de santé défini par l’O.M.S, le 22 juillet 1948, nous est fourni par la définition suivante :

« La santé est un état de bien-être total, physique, mental et social et ne consiste pas seulement en l’absence de maladie ou d’infirmité. »

L’état de santé ne fait plus uniquement référence au bon ou au mauvais fonctionnement des organes. L’approche du concept est environnementale, elle prend en compte l’ensemble des facteurs qui déterminent les conditions de vie, pouvant d’une façon ou d’une autre interférer sur cet état initial. On le voit, le concept de santé est individuel et ne représente qu’une entité variable ne pouvant s’énoncer qu’en termes de capital ou de potentiel de santé individuel.

Figure 1 : Déterminants de l’état de santé d’après P. Svandra

2. La maladie

 « Altération de l’état de santé se manifestant par un ensemble de signes et de symptômes perceptibles directement ou non, correspondant à des troubles généraux ou localisés, fonctionnels ou lésionnels, dus à des causes internes ou externes et comportant une évolution. » (1)

 La notion de maladie a considérablement évolué au fil du temps, d’abord attribuée à une volonté supérieure ou divine, puis reconnue par Hippocrate (460 -370 av JC) comme secondaire à des causes naturelles exogènes ou endogènes. C’est avec Galien (129-216) que le concept admet la notion de dysfonctionnement, allant de l’altération tissulaire au mal de vivre. Avicenne (980-1037) introduit l’idée d’un état du corps déviant par rapport à un état d’équilibre naturel définissant la santé. Pour Canguilhem (2) soutenir l’idée que l’état pathologique est une variation quantitative de l’état physiologique, c’est obéir « à l’esprit des sciences physiques » et oublier qu’en matière de pathologie, la norme est avant tout individuelle. Pour lui : « la maladie n’est pas une variation sur la dimension de la santé ; elle est une nouvelle dimension de la vie. » En d’autres termes, nous pouvons entendre que c’est à l’homme souffrant dans sa globalité, qu’il faut s’intéresser plus qu’au symptôme isolément (qui exprime la variation de l’état de santé), car ce qui importe, c’est de prendre en compte le nouveau référentiel crée. Il est néanmoins primordial de comprendre et d’analyser les raisons de cette variation.

L’avènement de la physiologie et l’évolution des connaissances, nous amène à considérer aujourd’hui la maladie sous l’angle de la physiopathologie. Les causes en sont multiples mais répondent à des entités bien précises, Représentant l’origine des symptômes. Les différentes causes possibles sont :

  Traumatiques   Métaboliques  
  Infectieuses   Vasculaires  
  Inflammatoires   Dégénératives  
  Cancéreuses   Psychiques  
  Génétiques   Iatrogènes.  

3. Le soin

 La finalité de toute intervention à visée thérapeutique, est la prise en charge de la souffrance de l’autre. Le soin représente l’ensemble des actions et pratiques mises en œuvre, pour rétablir ou conserver la santé. Notons qu’il peut exprimer la bienveillance, la sollicitude (le soin), où bien renvoyer généralement à des actes plus ou moins techniques demandant un certain apprentissage (les soins). Pour dépasser le domaine du seul acte thérapeutique, nous pouvons dire qu’il représente l’attention dans l’action thérapeutique. Pris au sens médical actuel il implique selon Llorca (3), les notions de propositions, de décision, d’action et de résultat.

4. L’éthique

Le mot « éthique » d’étymologie grecque pouvait présenter deux significations différentes, selon la nature de la première voyelle (? « êta » ou ? « epsilon »). La première désignant la tenue de l’âme, la seconde signifiant la juste place de toute chose par analogie, la vertu, les codes. Aujourd’hui, il désigne au sens large l’ensemble des principes et des jugements caractérisant une profession. Il s’agit de la sagesse de l’action qui nous permet de répondre des conséquences prévisibles de nos actes, là où la morale commande, l’éthique recommande (4).
Seule sera abordée ici l’éthique clinique, qui ne résume pas à elle seule la notion d’éthique : Elle en fait partie cf. schéma (5)

Notes

1. Trésor de la langue française informatisé consultable à l’adresse suivante : http://atilf.atilf.fr/tlf.htm.
2. Canguilhem G. Le normal et le pathologique. Paris : PUF, p 40 ; 66-72 ; 122.
3. Llorca G. Du raisonnement médical à la décision partagée. Paris Med Line, 2003, p 26.
4. A. Comte-Sponville, Différence entre morale et éthique, cité par Serge Carfantan, « De la morale à l’éthique » in Philosophie et spiritualité.
5. Llorca, op. cit., p. 39.


II. - La théorie - Présentation

La théorie présentée ci-après n’est qu’une approche possible du concept ostéopathique, il nous est apparu souhaitable de ne pas aborder le sujet en faisant référence à une des nombreuses définitions de l’ostéopathie, car, selon nous, elles tendent à définir un savoir faire, plus qu’à nous éclairer sur sa nature. Nous essaierons donc de l’aborder par son versant conceptuel afin d’en préciser son essence.

1. Le concept ostéopathique

La nature de la pensée ostéopathique est avant tout philosophique et pose un regard singulier sur l’homme. Le concept trouve ses fondements dans l’histoire des États-Unis de la fin du XIXe siècle, c’est pourquoi il est indispensable de mettre la pensée ostéopathique en rapport avec les connaissances de l’époque.
Pour le concevoir il ne nous faut pas l’analyser rétrospectivement, mais bien dans l’optique d’un XIXe siècle très éloigné de nos conceptions actuelles de l’homme et de la maladie.
La pierre angulaire est certainement l’unité du corps humain. Celui-ci est considéré à l’époque comme une « machine » capable à elle seule de s’auto suffire. Les trois autres points dérivent du premier, à savoir :

l’interdépendance entre la structure et la fonction
la capacité d’« auto guérison » du corps
la nécessité d’une bonne circulation des fluides

Cette conception reste à peu de choses près valable de nos jours, moyennant quelques adaptations, au vu des connaissances actuelles de la science.

2. Principes Ostéopathiques

Les grands principes de l’ostéopathie qui gouvernent notre approche thérapeutique sont les suivants :

2.1. L’unité du corps

Le corps humain constitue une unité fonctionnelle indissociable, principe corroboré par l’anatomie, la physiologie et l’embryologie. Du point de vue structurel, l’embryologie nous permet de comprendre ce que l’anatomie nous laissait entrevoir. Dès le premier jour de la fécondation, se produisent des phénomènes complexes, qui à partir de deux cellules aboutissent à la formation d’un embryon : entité complexe, capable de communication de mouvements intrinsèques. L’embryogénèse va transformer le disque embryonnaire en un embryon préfigurant la morphologie définitive. Dans le même temps se produit l’organogénèse, aboutissant à la formation des différents organes et grands systèmes, présentant des liens mécaniques, chimiques, hormonaux à des degrés variables. Le corps forme bien un tout substantiel cohérent.

2.2. « La structure gouverne la fonction »

La relation entre la structure et la fonction nous amène à considérer le corps non plus comme différentes entités partageant le même espace, mais cohabitant en interrelation permanente.

Pour que la fonction d’un organe ou d’un système puisse se réaliser correctement, le support anatomique de la fonction doit être lui même en bon état de fonctionnement. Il est communément admis que la fonction crée l’organe. Comment concevoir une quelconque fonction cardiaque sans appareil circulatoire ? Comment imaginer que cette même fonction cardiaque puisse s’effectuer efficacement avec une structure elle-même en difficulté ?

2.3. La nécessité d’une bonne vascularisation

Ce point découle directement de la relation qui existe entre la structure et la fonction. Nous ne nous y attarderons pas plus, bien qu’il s’agisse d’un principe clé. Nous le considérons comme faisant partie intégrante de notre approche.

2.4. La capacité « d’auto guérison du corps »

De façon moins péremptoire, nous pouvons admettre que le corps possède ses propres mécanismes de régulation. La physiologie nous renseigne un peu plus sur ce point. Introduisons ici la notion d’homéostasie.

« L’homéostasie est la tendance qu’on les organismes vivants à maintenir constants leurs paramètres biologiques face à certaines dérives du milieu intérieur et aux modifications du milieu extérieur  » (1).

Dans certains cas le système est efficient et l’organisme s’adapte : il y a appropriation de l’organisme à l’accomplissement de sa fonction et un retour aux conditions précédentes. Dans d’autres conditions, l’organisme ne peut s’adapter, il peut soit compenser ce manque d’adaptabilité avec mise en place de suppléances qui peuvent être à leur tour génératrices d’un nouvel état, mais celui-ci différent du précédent, soit l’organisme ne peut compenser la non adaptation du système, et on voit apparaître alors certains dérèglements pathologiques, pouvant évoluer vers l’organicité ou bien rester de l’ordre du fonctionnel. En ostéopathie il est assez difficile voire impossible d’agir sur les modifications du milieu intérieur (pour ne pas polémiquer au moins de façon directe). Sachant que la notion de milieu intérieur n’est pas seulement théorique, il a un support anatomique représenté par le liquide extracellulaire. En d’autres termes cela signifie que les tissus, qu’ils soient épithéliaux, conjonctifs, nerveux ou musculaires, font partie du milieu extérieur.
Toutes ces entités pouvant être autant de portes d’entrées thérapeutiques pour l’ostéopathe.

3. La notion de dysfonction somatique

 Le terme de dysfonction somatique remplace celui de « lésion ostéopathique », pour désigner

« La dégradation ou l’altération fonctionnelle des éléments constitutifs du système somatique (de la trame corporelle), structures squelettiques, articulaires, myofasciales, ainsi que de éléments vasculaires, lymphatiques et nerveux en rapport avec celle-ci » (2).

Pour l’ostéopathe la notion de dysfonction somatique ne fait pas référence aux conséquences locales immédiates faisant suite à un traumatisme ou à un état susceptible de créer une perturbation fonctionnelle, elle prend en compte ses répercussions neurophysiologiques (réflexes médullaires, vasodilatation) mises en jeu lors de la survenue ou de la persistance de l’événement déclencheur. Elle peut affecter n’importe quel tissu pourvu que celui-ci ait une possibilité de mouvement. Pascal Javerliat (3) distingue trois domaines de dysfonctions somatiques : les domaines articulaires, viscéraux et crâniens.

Le diagnostic des dysfonctions somatiques articulaires est palpatoire, il prend en compte quatre paramètres que l’on peut retenir sous la forme de l’acronyme suivant : « TSAR »

T : pour changement de la texture tissulaire
S : pour sensibilité à la palpation du segment en dysfonction.
A : pour asymétrie de la structure.
R : pour restriction de mobilité.

Enfin il nous faut faire intervenir la notion de dysfonction totale qui représente

« l’ensemble des mauvaises adaptations de l’organisme aux processus contraignants qu’il subit et la totalité des compensations qu’il développe pour maintenir le meilleur état de santé possible » (4).

Nous entrevoyons ici un point fondamental du concept ostéopathique : le schéma dysfonctionnel, conception classiquement considérée comme une réaction en chaîne mettant en jeu des processus adaptatifs dont la sommation conduit inexorablement vers le trouble fonctionnel.

Soulignons dès à présent que l’ostéopathe est guidé dans son approche thérapeutique par une quête bien spécifique, celle de la recherche de la zone de moindre mobilité, et seule sera prise en compte une éventuelle diminution de la mobilité d’une structure. Le but étant de restaurer le mouvement.

Notes

1. Lonchampt P. Bases de physiologie générale. Grandes fonctions et régulations. Paris, Ellipses, 2007, p.11.
2. Le Corre F et Toffaloni S. L’ostéopathie. Paris. PUF ; 1996 p 29.
3. Javerliat P. Précis de matière ostéopathique. Vannes ; 2008 p 122.
4. Ibidem.


4. Les trois modèles

Les trois modèles auxquels nous faisons référence ne constituent pas des entités distinctes mais représentent bien la même vision de l’ostéopathie. Les usages pédagogiques et la nécessité d’un enseignement fractionné en « modules », nous contraignent trop souvent à cette idée de possible division de l’ostéopathie, en ostéopathie structurelle, crânienne ou viscérale, réduisant ainsi le concept à la technique. C’est pour cette raison que nous préférons utiliser le terme de « modèle » et c’est avec le même souci de présentation que nous exposerons ici les trois approches possibles. Tout en gardant à l’esprit que cette division bien qu’arbitraire, n’est qu’un abord possible.

4.1. Le modèle structurel

C’est historiquement le plus ancien et certainement le plus facile à concevoir et évidemment le moins controversé, raison pour laquelle on souhaiterait l’imposer comme standard de l’ostéopathie. La confusion persiste quant à sa définition laissant la liberté à chacun de juger où commence la structure. Il est nécessaire avant de poursuivre, de définir ce que l’on entend par « structurel ». Ce terme devrait être compris comme support de la structure et représente, la charpente osseuse à laquelle il faut rattacher les annexes tels que les tendons, muscles, cloisons inter-musculaires, nerfs périphériques, vaisseaux, fascias, véritables tissus de soutien du corps. Cette approche reprend à son compte la dysfonction somatique articulaire : en effet à l’origine, la dysfonction affecte les rapports anatomiques entre deux os (articulation) diminuant la fonction articulaire dans ses composantes de direction et d’amplitude.

Par le biais des phénomènes d’adaptation, compensation de la structure, aux nouvelles contraintes, on note des conséquences :

- locales (œdèmes, enraidissement, dégénérescence) ;
- proximales (articulations en surcharge, structures voisines sensibles, tels que les nerfs et vaisseaux) ;
- à distance (tensions musculaires et fasciales, posture, neurologique).

Dans cette approche, l’attention de l’ostéopathe se focalise sur le trouble de mobilité du segment corporel qui lui semble être en relation avec la plainte du patient. Pour mieux cerner la particularité de l’ostéopathie dans l’approche structurelle, il convient de rappeler la règle suivante :

«  Les mouvements mineurs gouvernent les mouvements majeurs ».

Les mouvements mineurs sont de faible amplitude et ne peuvent être déterminés et quantifiés que subjectivement, c’est là toute la spécificité de l’ostéopathie.

4.2. Le modèle crânien

Cette pratique n’est qu’une extension des principes ostéopathiques fondamentaux à la sphère crânienne. On le doit à William Garner Sutherland (1872-1954) qui, partant d’une idée intuitive, étendit la vision ostéopathique au « complexe » crâniosacré. Réaffirmant que :

« Le concept ostéopathique lui même n’est pas une spécialité, c’est de l’ostéopathie ».
« L’apport de Sutherland aurait été initialement de rendre une tête aux patients traités en ostéopathie » (1).

Il introduit néanmoins une notion absente originellement : celle de mouvement intrinsèque de la structure qui devrait animer les différentes pièces osseuses crâniennes. Il existerait un mouvement interne global et primaire qu’il nommera Mécanisme Respiratoire Primaire (M.R.P), pouvant être ressenti à l’extérieur du corps par une palpation adéquate et appréhendé par son rythme, son amplitude et sa force. Les notions abordées ci-après sont pour quelques unes particulièrement controversées et contestées. Nous nous contenterons de les exposer telles qu’elles sont encore enseignées, sans y attribuer aucun jugement de valeur. Et nous préciserons les points soumis à controverses.

Le M.R.P serait initié par une impulsion rythmique : l’Impulsion Rythmique Crânienne (I.R.C), attribuée à la pulsatilité permanente des masses cérébrales. L’I.R.C pouvant se propager grâce à quatre voies de transmission possibles :

- Un vecteur fluidique
Constitué par la présence du liquide cérébro-spinal à l’intérieur et autour de l’encéphale et de la moelle épinière (entre pie-mère et arachnoïde), il constituerait un support physique à la transmission mécanique de l’I.R.C. Ce point est particulièrement soumis à la polémique, car, ni la pression (1200N/m2), ni la vitesse de circulation du liquide cérébro-spinal (1cm/h) ne paraissent suffisantes pour assurer la transmission physique de l’I.RC.

« Il est donc possible de déterminer que cette pression peut être totalement négligée puisque qu’elle est inférieure au 1/10 de celle que nous appliquons avec nos mains lors de nos tests sur le crâne, même lorsque nos mains ne se contentent que d’effleurer le cuir chevelu » (2)

Selon cet auteur, les structures crâniennes y compris suturales, sont donc beaucoup trop résistantes pour que la contrainte transmise par le liquide cérébro-spinal soit significative. Ce fait remettrait donc en cause la pratique de certaines techniques crâniennes, notamment celles utilisant les « fluctuations » du liquide cérébro-spinal.

« C’est l’explication surtout au niveau de l’effet mécanique des techniques de correction de la fluctuation du LCR (3) ou de son influence qui est à remettre en cause totalement. »

- Un vecteur membranaire
Constitué par la présence à l’intérieur de la boîte crânienne et du canal rachidien, de la dure-mère. Les expansions dure-mériennes crâniennes, ayant pour origine le feuillet interne de la dure-mère, cloisonnent cet espace. Ces membranes, outre leur rôle de maintien des masses cérébrales et cérébelleuses, d’amortissement des chocs et d’absorption des traumatismes, assureraient l’équilibre interne des tensions crâniennes, elles seraient le vecteur de transmission mécanique de l’I.R.C, elles sont nommées pour cette raison : Membranes de tension réciproque.
Il est à noter que, selon J.-C. Herniou, le feuillet externe de la dure-mère ne constitue pas le périoste interne, et que les deux structures sont indépendantes et qu’il est facile de les désolidariser.

- Des conditions structurelles locales
Représentées par la mobilité des os du crâne au niveau des sutures laisseraient s’exprimer l’I.R.C, transmise par le liquide cérébro-spinal et les membranes de tension réciproque. La cinétique des pièces osseuses crâniennes, ainsi engendrée, serait la traduction palpable de l’I.R.C. Dans ce domaine il n’y a pas remise en cause formelle d’une capacité de « mouvement » des pièces osseuses entre elles, il est admis que les sutures chez l’adulte puissent laisser la possibilité à un mouvement infime de se produire :

« ...la boîte crânienne adulte n’est pas toujours parfaitement soudée et qu’un infime mouvement entre les os crâniens peut être possible... »

et le même rapport de poursuivre 

« qu’aucune recherche n’apporte la preuve que le mouvement des sutures crâniennes puisse réellement être obtenu par manipulation manuelle » (4)

- Des conditions structurelles à distance
Impliquant la notion de mobilité du sacrum entre les deux os iliaques et la relation par l’intermédiaire de la dure mère spinale de l’os occipital et du sacrum. Ce qui introduit ici le concept « crâniosacré. »

La dysfonction somatique crâniosacrée est considérée comme une altération de l’expression du M.R.P. Le dérangement ainsi produit aurait pour origine soit une perturbation de la transmission affectant la mise en jeu des vecteurs de transmission, soit une perturbation dans ses possibilités d’expression touchant les conditions structurelles locales ou distantes, d’où l’approche thérapeutique classique par l’utilisation des techniques, « fluidiques », « membranaires », « suturales » et « écoutes crâniosacrées ».

4.3. Le modèle viscéral

Si l’ostéopathie est née d’un concept purement mécaniste de charpente mobile, celui-ci s’est peu à peu intéressé aux différents constituants et organes du corps humain, élargissant ainsi la notion de structure à l’ensemble des grands systèmes et faisant apparaître la possibilité pour un organe ou un viscère en souffrance, de générer des tensions mécaniques qui en retour, seraient génératrices de tensions affectant la charpente et inversement. Le trouble fonctionnel serait donc producteur de trouble structurel et le trouble structurel source de trouble fonctionnel.

Toutes ces considérations ont contribué à la naissance de l’approche viscérale en ostéopathie. Il existe différentes façons d’aborder le sujet, elles poursuivent toutes un objectif commun : l’amélioration de la fonction via la structure. L’approche que nous choisirons d’aborder, fait appel à la notion d’« articulation viscérale » (5) Il est à noter qu’il existe d’autres conceptions de l’approche viscérale, si elles ont toutes en commun l’approche fonctionnelle, le concept d’articulation viscérale demeure le plus enseigné.

Les organes et les viscères entretiennent des relations de contiguïté dans les cavités corporelles auxquelles ils sont associés, ils subissent différents types de mouvements (6). Nous exposerons ici, comme nous l’avons fait précédemment, la théorie telle qu’elle est enseignée, sans y apporter aucun jugement de valeur.

On distingue :

- Les mouvements passifs dus au système de la vie relationnelle.
Ils sont passifs et engendrés par les mouvements du corps humain. Par exemple une flexion du tronc en avant entraine un glissement du foie sur le duodénum en bas et en avant. Le mouvement entraine donc un changement des rapports anatomiques de contiguïté. Les viscères sont contraints de suivre le mouvement imposé. On parlera de mobilité pour caractériser ces mouvements.
- Les mouvements passifs dus au système de la vie végétative.
Ils sont passifs et engendrés par les mouvements respiratoires et cardiovasculaires, le péristaltisme, par exemple le diaphragme, qui mobilise par contiguïté le foie sur le duodénum. Il est à noter que la cavité pleurale sous l’effet du piston diaphragmatique entretient des relations de continuité avec la cavité péritonéale (grâce à l’aspiration diaphragmatique). Les battements cardiaques, quant à eux, se répercutent directement sur les structures avoisinantes (poumons, œsophage, médiastin, et diaphragme).
Le péristaltisme (véritables ondes de contraction), concerne plus particulièrement les viscères creux (œsophage, estomac, duodénum, intestin grêle, côlon), il est sous la dépendance de facteurs chimiques, hormonaux et nerveux. On utilisera de même le terme de mobilité pour définir ces mouvements.
- Les mouvements « actifs » propres.
Ces derniers sont à différencier du péristaltisme. Ils seraient lents de faible amplitude et non visibles. Ils font appel à la notion de motilité.

Deux théories sont proposées :

La première reprend la théorie crânienne du M.R.P., le liquide cérébro-spinal en constituerai le moteur : il s’agirait d’un prolongement du M.R.P. par le biais de la circulation du liquide cérébro-spinal dans l’espace sous arachnoïdien.
- La seconde théorie avancée (7) est embryologique : les auteurs soutiennent l’hypothèse d’une mémoire tissulaire, des mouvements embryologiques intrinsèques présents lors de l’organogénèse. Cette mémoire contraindrait les viscères à un retour vers une position embryonnaire d’origine, il se constituerait alors un point de balance responsable de la motilité. Cette tendance pourrait être le fait de la présence au sein des viscères d’une structure analogue au tissu nodal.

L’articulation viscérale est représentée par des surfaces de glissement et un système d’attache, par analogie avec l’articulation squelettique, elle diffère de cette dernière par l’absence de muscles moteurs. Les surfaces de glissement sont représentées par les « séreuses » (plèvres, péricarde, péritoine). Le système d’attache est formé par des replis différenciés des séreuses, qui sont nommés différemment suivant leur localisation anatomique (ligaments, mésos, épiploons). Le tout permettant le mouvement des organes les uns par rapport aux autres, ainsi qu’avec les structures avoisinantes. Tout changement dans les possibilités de mouvement de l’organe lui même (motilité) ou des structures composant l’articulation viscérale (mobilité) pourrait entrainer des perturbations locales (viscère), à distance (viscères ou organes voisins, musculo-squelettiques) ou générales (homéostasie).

La dysfonction somatique viscérale

Elle est définie comme

« une fonction altérée des composantes du système somatique péri viscéral (séreuses, ligaments, plans de glissements) ainsi que des éléments vasculaires lymphatiques et neurologiques correspondants » (8).

Elle peut être à l’origine de symptômes viscéraux, musculo-squelettiques.

Notes

1. Javerliat P. Précis de matière ostéopathique. Vannes 2008, p 80.
2. Herniou J-C. « Le mécanisme respiratoire primaire n’existe pas ». Interview parue dans la Revue Æsculape n° 10 Janvier-Février 1998 ">
3. Liquide céphalo-rachidien : Anciennement Liquide cérébro-spinal
4. Rapport BCOHTA, p XIII accessible depuis l’URL : 5. Barral J-P et Mercier P. Manipulations viscérales 1. Paris, Elsevier 2004, p 25.
6. Idem, pp 16-22.
7. Idem, p 21.
8. Javerliat P., op. cit., p.119.


5. Modélisation du concept

5.1. Le modèle cybernétique

Il existe de nombreuses façons de modéliser le concept d’unité du corps humain, de l’abord architectural (tenségrité), à l’abord physiologique (homéostasie), en passant par celui de l’étude de l’information des systèmes (cybernétique). Ces trois modèles n’étant que des approches différentes d’une même réalité. C’est avec ce dernier concept, que nous choisirons de travailler.

On défini la cybernétique, comme :

« La science de l’action orientée vers un but, fondée sur l’étude des processus de commande et de communication chez les êtres vivants, dans les machines et les systèmes sociologiques et économiques » (Larousse)

La cybernétique est une science du contrôle des systèmes, vivants ou non vivants, fondée en 1948 par le mathématicien américain Norbert Wiener (1894-1964)

Un système cybernétique peut être défini comme un ensemble d’éléments en interaction, les interactions entre les éléments peuvent consister en des échanges de matière, d’énergie, ou d’information.

Ces échanges constituent une communication, à laquelle les éléments réagissent en changeant d’état (fibrose réactionnelle, congestion etc.) ou en modifiant leur action (vasomotricité, activité sécrétoire etc.). Essayons de rapprocher du modèle cybernétique les différents points du concept ostéopathique.

« Le corps est une unité fonctionnelle indivisible »

Lorsque des éléments sont organisés en un système, les interactions entre les éléments donnent à l’ensemble des propriétés que ne possèdent pas les éléments pris séparément. On dit alors que "le tout est supérieur à la somme des parties". Par exemple, l’homme manifeste des propriétés (digestion, ventilation, élimination, reproduction, vie de relation...), que ne manifestent pas ses organes pris séparément. Et ces organes eux-mêmes sont des systèmes qui possèdent des propriétés que ne possèdent pas leurs éléments, à savoir les cellules.

La cybernétique peut ainsi être définie, comme la science des systèmes autorégulés, qui ne s’intéresse pas aux composantes, mais à leurs interactions, où seul est pris en compte leur comportement global. Ce concept fait appel à la notion de système réglé et de système réglant. Le système réglé est le corps, le système réglant est l’ensemble des mécanismes permettant à l’individu de s’acquitter des devoirs qui résultent de son environnement. L’association des deux systèmes constitue un homéostat dont la finalité n’est autre que l’homéostasie.

L’étude de la structure ne permet donc pas d’expliquer à elle seule la complexité des tâches que l’organisme doit accomplir pour s’adapter à son environnement. Il existe donc une cohésion au sein de l’organisation fonctionnelle du corps, permettant à celui-ci de fonctionner en coopération harmonieuse et en cohérence avec le milieu ambiant. On peut différencier six grandes fonctions organiques

- La fonction de nutrition ayant comme support anatomique le système digestif.
- La fonction ventilatoire assurée par les poumons.
- La fonction d’élimination supportée par les émonctoires.
- La fonction de transport via les systèmes circulatoires sanguin et lymphatique.
- La fonction de reproduction de l’appareil génital.
- La fonction de relation utilisant l’appareil locomoteur.

Ces différents organes, appareils et systèmes sont donc en interrelation permanente via les systèmes nerveux et hormonal, permettant ainsi la coopération harmonieuse des différentes entités entre elles. De toutes ces fonctions spécialisées, seule la fonction de relation a la possibilité d’agir dans et sur l’environnement.

Le concept d’« auto guérison »

Il est sous tendu par la notion d’unité corporelle ; il peut donc se comprendre comme la nécessité pour tout système cohérent de se maintenir à un niveau de fonctionnement optimal.

L’interdépendance de la structure et de la fonction

Elle peut s’entendre ici comme l’asservissement du système à sa finalité.

La nécessite d’une bonne vascularisation

Elle s’interprète, comme le bon fonctionnement des voies d’échanges d’informations permettant au système de communiquer et de fonctionner de façon optimale.

La figure n°2 représente la modélisation d’un homéostat, par analogie le système réglé représente l’organisme, le système réglant est représenté par un ensemble d’éléments anatomiques constituant des voies de communication informatives.

Les voies de communication sont constituées de trois entités

L’émetteur-capteur, premier élément de la voie de communication (barorécepteurs, thermorécepteurs, chimiorécepteurs), transforme les variations d’un paramètre physique ou physiologique, en un message, qu’il émet vers le transmetteur de la voie de communication.

Le transmetteur, élément intermédiaire qui véhicule l’information du récepteur vers le récepteur, il est représenté par les systèmes nerveux et hormonal.

Le récepteur-effecteur, dernier élément de la voie de communication, reçoit l’information finale qu’il transforme en action dont le but n’est autre que le maintien de conditions stables nécessaires au maintien du système (muscles, glandes).

Figure 2 : Homéostat (*) d’après Gilles Furelaud, Bernard Calvino
(École Supérieure de Physique et Chimie Industrielle de Paris)

Ainsi se trouve constitué une chaîne fonctionnelle, mettant en jeu, une chaîne d’acquisition (capteurs) et une chaine d’action (transmetteur, effecteur), dont le point de convergence sera la structure.

Ainsi les visions « holistique » et « vitaliste » de nos prédécesseurs peuvent-elles être considérées sous un jour nouveau au vu d’une théorie plus moderne. La vitalité se définirait alors, comme le potentiel du système à mettre en jeu ses mécanismes de maintien, véritable potentiel homéostatique de l’individu.


6. Le diagnostic ostéopathique

6.1. Définition et généralités

Le diagnostic peut se définir, comme la conclusion du raisonnement menant à l’identification de la cause d’un problème. Il est étroitement lié à la notion de thérapeutique et s’intègre dans le cadre plus large de ce qu’il est convenu d’appeler la résolution du problème clinique. Il constitue une des trois grandes étapes de toute prise en charge thérapeutique (diagnostic, pronostic, thérapeutique). À l’évidence, il s’agit de l’étape la plus importante puisqu’elle conditionne les deux autres. La prise en charge ostéopathique ne peut échapper à la règle.

La démarche diagnostique ostéopathique est subordonnée au raisonnement ostéopathique. C’est une réflexion déductive, elle tente de remonter du conséquent aux antécédents, d’inférer les causes de leurs effets. Le diagnostic ostéopathique n’est que le résultat exprimé de la tentative de résolution du problème clinique ostéopathique. C’est une entité propre issue d’un savoir déjà élaboré et coordonné. Il ne peut ni ne doit se confondre avec d’autres formes de diagnostic.

Pour des raisons pratiques, nous désignerons par « diagnostic » à la fois la démarche intellectuelle d’identification du trouble et le résultat de cette démarche.
Chronologiquement la consultation ostéopathique, suit le schéma classique de l’interrogatoire, de l’inspection, de la palpation, de l’auscultation, jusqu’à la décision thérapeutique.
La division n’est que conceptuelle, les notions étant étroitement liées les unes aux autres. L’anamnèse constitue la passerelle indispensable de l’une à l’autre.

6.2. Le diagnostic positif

Il permet l’identification d’une pathogénie. Il recherche (manuellement) une perturbation anatomique responsable d’un désordre mécanique, ainsi que ses compensations possibles. Il correspond à la recherche des dysfonctions et s’appuie sur l’anamnèse, sur l’examen clinique classique et sur un examen clinique palpatoire plus spécifique : « ...évaluation des capacités mécaniques des différentes structures du corps » (1). La spécificité du diagnostic positif est qu’il se construit sur la perception. Il ne tente jamais d’identifier une pathologie.

6.3. Le diagnostic différentiel

Il établit la notion d’indications ou de contre-indications à la prise en charge ostéopathique et permet à l’ostéopathe d’écarter toute prise en charge ne relevant pas de son champ de compétences. Il permet de réaliser un tri des pathologies présentant des symptômes identiques et nécessitant une prise en charge plus adaptée. Il s’appuie sur la connaissance des principaux syndromes cliniques, l’anamnèse, l’examen clinique classique. Il se construit par raisonnement et aboutit en général à plusieurs hypothèses probables, qu’il faudra trier par ordre logique d’éventualité.

6.4. Le diagnostic étiologique

Il s’efforce d’identifier la cause de la perturbation mécanique initiale, ou de déterminer ce qui la maintient dans le temps. Il s’appuie sur les données obtenues par l’anamnèse. C’est une démarche préventive qui se développe en parallèle des deux autres démarches, elle permet de formuler le pronostic c’est-à-dire l’évolution naturelle du trouble, l’évolution après traitement, ainsi que la participation éventuelle de certains facteurs propres au patient (pathologies associées, âge, état général, environnement, etc.) Ainsi pour un même trouble, le pronostic ne sera pas identique pour tous les patients.


7. De la nécessité au diagnostic

Figure 3 : Formes diagnostiques en ostéopathie d’après Croibier

Cette approche diagnostique globale réduit au maximum le risque d’une prise en charge inadaptée voire contre-indiquée. Le diagnostic permet au praticien de construire son action sur une connaissance et un jugement de valeur établis. En dehors de ce cadre l’action ne peut plus être qualifiée de thérapeutique, elle entre dans le domaine de l’impromptu. L’absence de diagnostic conduit à une pratique hasardeuse et sans discernement. L’identification d’un dysfonctionnement et les décisions qui en résultent, sont les deux impératifs du diagnostic. Sans identification du trouble, il est illusoire de vouloir engager une action thérapeutique.


8. Les outils du diagnostic manuel

La démarche diagnostique ostéopathique utilise les moyens traditionnels que sont : l’anamnèse et l’examen clinique classique ; elle y associe un examen palpatoire spécifique « ostéopathique », relevant des principes conceptuels des trois modèles. C’est ce que nous appellerons le diagnostic manuel. Nous ne décrirons pas les deux entités que sont l’anamnèse et l’examen clinique classique, car non spécifiques à la prise en charge ostéopathique. Voyons ci-après un bref aperçu des différentes façons d’utiliser la palpation à des fins diagnostiques.

Au moins trois paramètres sont requis simultanément :

La présence, c’est une présence agissante qui dépasse le simple fait d’être physiquement présent. Elle concerne également une autre partie moins saisissable de l’être (2).
L’attention qui découle directement de la présence, « c’est la présence de l’individu (le praticien) en un lieu bien particulier (le patient) ».
L’intention qui répond au désir de « communiquer » avec les tissus, d’en attendre une réponse. L’attirance, l’attraction sont des réponses tissulaires. L’intention serait le moyen d’interroger cette réponse.

La présence, c’est la conscience de soi. L’attention c’est la conscience de l’objet de destination (le patient). L’intention c’est le désir de communiquer avec l’objet de destination.

8.1. Le toucher diagnostique

La main, unique outil de l’ostéopathe doit prendre en compte différents paramètres lors de la palpation diagnostique. La palpation est à la recherche d’informations de différentes natures. Nous en retiendrons quatre :

- La palpation des paramètres morphostatiques : Ce sont ceux qui aident à identifier un élément anatomique (taille, forme, volume, consistance, situation, symétrie).
- La palpation des propriétés mécaniques tissulaires : Consistant en une évaluation de la possibilité de mobilisation de la structure (aisance, difficulté).
- La palpation de la qualité tissulaire qui apprécie par rapport à une certaine référence de la normale, la densité (modification de la consistance), la tension (réponse à l’étirement suivi d’un relâchement).
- La mise en évidence par la palpation des zones douloureuses. Consiste en une évaluation et une reconnaissance de la structure impliquée dans le phénomène.

8.2. Les tests ostéopathiques

Ce sont des tests manuels de mobilité ; ils ont pour but de mesurer la capacité de la structure à être ou à se mobiliser selon des directions préétablies. On peut ainsi distinguer deux grandes familles de tests :

- Les tests par sollicitation de la structure mécanique 
Ils étudient de façon dynamique la structure (structures musculo-squelettiques, viscères, fascias). Ils se réalisent par mobilisation manuelle des éléments examinés et apprécient deux critères :
 - La quantité de mouvement (amplitude du jeu articulaire) (3).
 On retient comme anormales les hypomobilités. L’hypermobilité étant généralement constitutionnelle ou adaptative.
 - La qualité du mouvement.
 Elle représente l’aisance ou la gêne à la mobilisation de l’élément examiné. Cette observation nous renseigne sur l’état de l’interface articulaire, l’élasticité des éléments périarticulaires, ainsi que sur les éventuelles réactions motrices pouvant apparaître lors de la mobilisation.

- Les tests passifs du mouvement spontané
Ils font appel aux notions de motilité, de mobilité viscérales et de mécanisme respiratoire primaire. Ils se réalisent par application de la main sur la zone à tester en général le crâne ou une zone viscérale. La main apprécierait alors les paramètres du mouvement, selon des axes bien définis. Ils sont considérés comme un diagnostic de la fonction, et auraient une grande valeur pronostique.

« Un patient possédant un M.R.P ralenti ou affaibli, serait moins rapidement rétabli que celui qui présente un M.R.P satisfaisant » (4)

8.3. Les écoutes manuelles

Le terme d’« écoute » manuelle fait référence à un procédé singulièrement ostéopathique. Lors de l’exercice pratique la main est un capteur qui selon sa localisation et la pression exercée serait capable de sentir, d’intégrer et d’analyser différentes perceptions. La structure y est explorée par couches superposées. La main, par une pression adéquate, doit se trouver au niveau de la structure à étudier. L’écoute manuelle est à différencier des tests passifs du mouvement spontané en ce sens qu’elle rechercherait non plus la capacité des tissus à se mobiliser spontanément selon une direction attendue (axes), mais se laisserait guider par une attirance que, seul, le tissu imposerait. Cette distinction n’est que purement explicative, car en pratique la main devrait toujours être à l’« écoute » d’une réponse tissulaire. On pourrait par simplification dire que lors d’une écoute tissulaire la main n’attend aucune réponse particulière, elle suit l’attraction des tissus, la réponse n’étant plus analysée par rapport à une norme attendue, mais par rapport à une norme subjective.

Suivant l’intention donnée à l’écoute on peut distinguer trois types d’écoute (5).

L’écoute fonctionnelle
Elle cherche à apprécier l’expression du « potentiel inhérent » du corps, qui traduirait la capacité fonctionnelle de l’organisme à mobiliser son potentiel homéostatique. Il serait ressenti comme un mouvement défini par son rythme, son amplitude et sa force (probablement la manifestation du M.R.P ou de la motilité viscérale). Les forces d’auto guérison envisagées par le concept ostéopathique seraient évaluées par ce type d’écoute.

L’écoute tissulaire
Se propose de mettre à jour le siège d’un déséquilibre mécanique majeur, siégeant dans la trame fasciale corporelle, trouble qui s’exprimerait par une attraction tissulaire, exercée sur la main du praticien. Le fondement de ce type d‘écoute reposerait sur la désorganisation mécanique tissulaire induite par la dysfonction somatique.

L’écoute émotionnelle
Elle recherche les manifestations physiques de phénomènes plus subtils tels que l’émotion. Le principe d’unité corporelle y est ici considéré à son maximum d’intellection. Les émotions (stress, apathie, etc.) sont pensées comme des « émanations délicates », pouvant être intériorisées par le patient et perçues par le praticien comme des manifestations tissulaires palpables.

Notes

1. Croibier A. Diagnostic ostéopathique général. Elsevier, Paris 2005, p 10.
2. P. Tricot. Article paru dans la revue Énergie Santé N° 74 octobre 2007, pp. 88-111.
3. L’articulation doit être entendue comme l’ensemble des éléments permettant à une structure de se mouvoir par rapport à une autre. Elle ne se limite pas uniquement à la conception classique d’articulation entre deux pièces osseuses.
4. Croibier A. op. cit., p 67.
5. Croibier A. op. cit., p 68.


III. - La pratique


La théorie ostéopathique nous fournit l’ensemble des principes nous permettant l’élaboration du raisonnement devant aboutir à la proposition d’un plan de traitement. Ce qui frappe dans le survol des principes théoriques, c’est la difficulté potentielle de leur adaptation à la pratique clinique (controverses autour de certaines hypothèses). Le paradoxe de l’ostéopathie réside dans l’antagonisme entre une pratique clinique et une somme de connaissances reposant sur des bases souvent conceptuelles. Nous allons tenter d’exposer la mise en place des différents processus du raisonnement qui constituent le modèle décisionnel.

1. L’application du raisonnement ostéopathique

1.1 Du diagnostic à la décision thérapeutique

Une fois la résolution prise d’engager un soin (exclusion des cas ne relevant pas de la prise en charge ostéopathique), l’ostéopathe met en place un raisonnement lui permettant d’aboutir à un jugement porteur d’une solution thérapeutique : La décision. L’enchaînement des processus du raisonnement est résumé avec le schéma général suivant.

Figure 4 : Enchaînement des processus du raisonnement (Llorca)

(1).

L’étape du diagnostic positif permet d’aboutir à une idée générale sur les futures possibilités de prise en charge. Il est le point de départ du raisonnement ostéopathique (prémices). Ce raisonnement est une suite logique de propositions liées les unes aux autres, selon les principes du concept ostéopathique. L’action qui en découle ne peut donc que relever des mêmes principes. La phase d’analyse décisionnelle de la figure n°4 représente la phase d’élaboration de la décision.

La décision est la proposition du plan de traitement. La phase d’analyse opérationnelle quant à elle représente la mise en œuvre de la décision.

1.2. Modèle décisionnel

De façon plus précise nous pouvons nous inspirer du modèle décisionnel de Llorca, schématisé par la figure suivante :

Figure 5 : Modèle décisionnel (Llorca)

(2).

L’intention est créée par la demande de soin, elle est intimement liée à la finalité de l’action. C’est le processus par lequel le thérapeute met à la disposition du patient un savoir et un savoir faire.

L’analyse comporte deux parties, une partie factuelle qui consiste à rassembler des données probantes concernant le cas considéré. Données issues de l’anamnèse et des différentes étapes de la démarche diagnostique, et une partie contextuelle consistant en l’évaluation des conditions propres à la situation en question (facteurs environnementaux, familiaux, sociaux, niveau de compréhension vulnérabilité, etc.).

La proposition est un descriptif des actions thérapeutiques possibles, en regard de l’étape précédente qu’elle doit respecter.

Le choix de la meilleure proposition thérapeutique implique obligatoirement la synthèse des deux étapes précédentes, il permet de répondre le plus correctement possible à la plainte ainsi qu’à la demande du patient. Il nécessite donc une information correcte.

L’action est la finalité de la prise en charge qui, une fois le choix validé, peut être entreprise. Il est à noter que l’action issue de la décision sera d’autant plus proche de l’action attendue que le patient l’aura comprise et acceptée et que les conditions de sa réalisation seront réunies.

Le résultat de l’action doit alors se situer dans des limites prévisibles et attendues. « Son évaluation va servir d’une part à accroître nos connaissances, et, d’autre part, à constituer un référentiel de contrôle de l’intention et de la qualité de l’action » (2 bis).

Le modèle décisionnel pratique est multifactoriel : il permet d’éviter la décision réflexe ou passionnelle et place le patient au centre du débat. Le contrôle de l’intention et de la qualité de l’action est étroitement lié à l’éthique clinique.

Pourtant certaines sources d’erreurs et de confusion existent en pratique quotidienne. Certaines dépendent de notre approche réflexive, d’autres de la mise en œuvre de notre pratique. Une typologie des erreurs de raisonnement diagnostique en médecine, a pu être établie par Kassirer et reprise par Masquelet (3), nous nous en inspirons ci-après, et ferons le parallèle avec les points qui nous paraissent spécifiques à l’ostéopathie.

2. Les sources d’erreurs et de confusion.

2.1. Les erreurs de l’approche réflexive

L’erreur diagnostique concerne l’étape d’élaboration du diagnostic.
Le mécanisme de production de l’erreur peut être attribué à quatre causes principales.

L’erreur dans la formulation des hypothèses  : le praticien s’oriente immédiatement dès l’anamnèse dans une mauvaise direction diagnostique. Soit à partir des premières informations obtenues (âge, sexe, profession, motif de consultation, etc.), soit à partir des symptômes du patient.
L’erreur dans la définition d’un contexte  : ce type d’erreur est attribué à un diagnostic différentiel erroné. Le contexte de résolution du problème clinique est alors incorrect.
L’erreur dans le raisonnement causal  : c’est une erreur dans le recueil d’information, il s’agit ici d’attribuer à une manifestation clinique une fausse participation dans la genèse d’un trouble. Ce type d’erreur, selon Alain C. Masquelet (4), peut refléter parfois l’application d’axiomes cliniques issus d’une longue tradition transmise à travers les générations.
L’erreur dans la phase de confirmation du diagnostic  : elle concerne l’étape du diagnostic positif. On peut l’attribuer à la confiance excessive accordée au résultat d’un test clinique, ce peut être la surestimation de la validité d’un test utilisé. (Faible sensibilité ou spécificité des tests) (5).

2.2. Les erreurs de l’approche perceptive

Les erreurs pouvant résulter de la mise en œuvre de notre pratique :

Elles sont spécifiques de l’approche ostéopathique et plus particulièrement du diagnostic palpatoire, elles intègrent la notion de subjectivité (6). L’appréciation manuelle des sensations entache leur interprétation d’une part de subjectivité qu’il faudra prendre en compte. Cette subjectivité ne constitue pas un obstacle à la pratique si elle est intégrée. Arrêtons-nous quelques instants sur deux notions essentielles :

La sensation qui se définit comme 

« le phénomène par lequel une stimulation physiologique (externe ou interne) provoque chez un être vivant et conscient une réaction spécifique produisant une perception ». (TLFI)

La perception comme étant

« L’acte de prendre connaissance par l’intuition, par l’intelligence ou l’entendement ». (TLFI)

La sensation peut être objectivable (7), elle est tributaire de conditions naturelles précises, c’est l’information première et indivisible qui est captée (circuits d’informations, qualité et quantité du stimulus). La perception relève de la conscience, c’est l’information première qui va être traitée (circuits d’intégrations) et interprétée (psychoaffectif).

La perception d’une chose permet à la conscience de se révéler. Il n’y a de perception que lorsqu’il y a conscience et il n’y a conscience que lorsqu’il y a perception car la conscience se définit toujours par sa capacité à se distinguer des choses qu’elle perçoit. (Hegel).

La perception est par nature subjective, l’apprentissage permet dans une certaine mesure de la formaliser en la confrontant au vécu et à la connaissance, établissant ainsi un échantillonnage perceptif des sensations, propre à chacun, véritable référentiel palpatoire de l’individu, le « subjectif » de la définition 1. La subjectivité devient donc un paramètre pouvant être contrôlé grâce à l’éducation palpatoire.

Toute sensation appelle donc une construction de notre perception sur la base de nos habitudes et de notre mémoire. (Hume).

Cette part de subjectivité de la perception est due d’une part, à la relation stimulus-sensation (la quantité de sensation demeure non quantifiable faute d’étalon) et d’autre part à la relation sensation-cerveau (ce qui supposerai que l’on puisse isoler les phénomènes d’intégration et d’analyse propres à la prise de conscience).

Il existe donc deux sortes d’erreurs possibles lors de l’approche palpatoire, les erreurs résultant d’une trop faible quantité de stimulus (la stimulation physiologique des organes récepteurs de la main lors de la palpation est infraliminaire et ne peut donc pas déclencher la réaction spécifique de perception chez le praticien). Les erreurs dues aux phénomènes de l’activité cérébrale de prise de conscience immédiate des sensations : Flux qualitatifs des états intérieurs (Piguet 1960).

Dans le premier cas c’est la relation stimulus-sensation qui est concernée, le stimulus ne peut par faute d’intensité suffisante déclencher le seuil d’excitation des récepteurs de la main palpatrice. Existe-t-il un seuil spécifique pouvant expliquer les différences individuelles perceptives ?

La seconde source d’erreur implique la relation sensation-cerveau, c’est l’analyse de la sensation en tant qu’information interprétable. Cette possibilité d’erreur pourrait-elle dépendre de la sensibilité de l’être lui même ? Mais contrôlée grâce à l’éducation palpatoire ?

Nous le voyons bien, il persiste une part inhérente à l‘esprit lui même, à la disposition ou à la prédisposition de chacun de nous à être sensible « aux messages tissulaires ».

3. Les sources de confusions.

Les tentatives de verbalisation du concept ostéopathique sont source de confusion à plusieurs titres : L’usage de la métaphore (8) en ostéopathie s’est généralement répandu (depuis Still et son style allégorique) pour tenter de verbaliser ce que la communication verbale ne pouvait exprimer. Ce recours à la métaphore permet de véhiculer en quelques mots, un ressenti personnel, une expérience sensorielle individuelle que chacun pourra faire sienne. Selon le point de vue d’où elle est considérée la métaphore pourra soit être entendue, soit être rejetée, ouvrant ainsi la voie à la confusion.

Le recours à un discours directement issu de la théorie (nous entendons par là toute tentative de transposition et de transmission verbale de ce que la théorie nous enseigne) peut aussi prêter à confusion. Par exemple, communiquer sur l’hypo mobilité d’un rein suppose que l’on ait pu établir un contact palpatoire avec cet organe et que, dans un second temps, l’on ait pu ressentir et identifier sa mobilité.

Suivant à qui la communication s’adresse, l’affirmation pourra soit être entendue ou rejetée. Ainsi pourrait-on parler de plus ou moins grande facilité à mobiliser la loge rénale. Mais cela ne trahirait-il pas une réalité palpatoire tout autre ?

Notes

1. Llorca G. Du raisonnement médical à la décision partagée. Paris Med Line ; 2003 ; p 49.
2 et 2bis. Llorca G, op. cit., p 76.
3. Masquelet A.C. Le raisonnement médical. Paris : PUF ; 2006 p 64.
4. Masquelet A.C., op.cit., p.66-67.
5. La sensibilité d’un test de diagnostic montre la possibilité de ce test à détecter les patients porteurs de la pathologie. Les tests ayant une haute sensibilité sont bons pour exclure une pathologie particulière s’ils ont un résultat négatif. La spécificité d’un test diagnostique indique simplement la possibilité pour le test de détecter les patients qui n’ont pas la pathologie. Les tests ayant une haute spécificité sont bons pour inclure une pathologie particulière s’ils ont un résultat positif.
6. Une remarque à propos de la signification du mot « subjectif » s’impose. En toute rigueur on peut dire que subjectif signifie : qui est propre au sujet dans la mesure où cela relève de la conscience (définition 1). Cependant on peut l’entendre au sens de ce qui n’appartient pas à tous, il prend alors le sens d’illusoire, d’arbitraire (définition 2).
7. Gustav Théodore Fechner (1801-1887) fondateur de la psychophysique a montré qu’il était possible d’objectiver la sensation indirectement par le biais de la quantité de stimulus.
8. Métaphore : du (grec metaphora, transport). Procédé consistant à modifier le sens d’un mot en lui attribuant une signification par comparaison sous-entendue. (Ex. : la lumière de l’esprit, le souffle de vie, écoute palpatoire, etc.).


IV. - Du bon usage de l’ostéopathie, une question d’éthique ?

Cette partie nous plonge au cœur de l’éthique clinique, qui peut nous permettre de mieux appréhender la mise en pratique du schéma décisionnel. Llorca (1) définit l’éthique clinique comme

« cette dimension qui nous pousse à l’honnêteté scientifique, au respect des lois des obligations et des personnes, à la recherche de l’équité ».

1. Entre éthique et déontologie.

La déontologie peut se définir comme : l’ensemble des règles qui régissent une profession. La déontologie représente l’expression d’une norme professionnelle.

Les pouvoirs publics encadrent la pratique médicale, en laissant aux professionnels de santé, la possibilité de définir des normes internes à chaque type de pratique. Les règles professionnelles ainsi créées délimitent les compétences et les responsabilités de chacun. La déontologie est intimement associée au droit aussi pourrait-on parler d’une délégation des pouvoirs de l’état vers les soignants (2), sorte de « règlement intérieur » professionnel qui engage la responsabilité juridique du soignant. L’ostéopathie n’étant pas reconnue comme profession, mais comme simple pratique partagée, nous voyons ici toute la difficulté pour établir un code de déontologie pour une pratique aussi peu unitaire.

Quant aux récents décrets ils ne fixent pas de norme régissant la pratique, ils établissent des champs de compétences et définissent des champs d’application.

La solution se trouve donc peut-être dans l’application de certains principes régulateurs de nos actions, véritables garde-fous de notre pratique, engageant ainsi la responsabilité morale du soignant.

Nous pouvons définir quelques principes éthiques essentiels. D’après Llorca (3).

2. Quelques principes essentiels

2.1. Le principe d’autonomie
Ce principe met en avant la notion de consentement partagé sans lequel toute action n’est pas légitime. Il s’agit de la liberté de choix du soigné vis à vis du soignant, le consentement doit être éclairé et mutuel. La première limite de ce principe est représentée par le patient lui même, à partir de quel moment peut-on considérer que le patient est suffisamment informé ? La souffrance ne crée-t-elle pas une limite au libre arbitre ? Llorca propose de contourner cette première limite par la « pratique du dialogue élargi à des tiers compétents ». La seconde limite n’est autre que le praticien, car s’il est évident que le soigné doit être respecté dans sa liberté de décision, ses convictions ne sauraient imposer au soignant d’effectuer des actes en opposition avec les siennes ou même avec la loi.

2.2. Les principes de bienfaisance et de non malfaisance.
L’action doit tendre vers le bien d’autrui. Le principe de bienfaisance a pour finalité d’éviter au patient une perte de chance de recevoir les soins les plus appropriés et d’éviter au praticien de faire encourir des risques inutiles au patient. Le principe de non malfaisance impose de s’assurer que le bénéfice d’une action l’emporte sur ses inconvénients. Ce principe est illustré par l’adage hippocratique suivant : « Primum non nocere, deinde curare » (4).

2.3. Le principe de cohérence.
Il s’agit de l’impératif d’agir en conformité avec nos obligations d’ordre scientifique et légal. C’est un principe capital, car on ne peut concevoir comme acceptable une pratique de soin contraire au bon sens.

2.4. Le principe de compétence.
Le principe de compétence consiste à ne proposer son intervention que dans les domaines où l’on a été formé et que l’on exerce habituellement. Il oblige à l’humilité et à l’honnêteté pour conseiller de s’adresser à plus compétent que soi.

2.5. Le principe d’honnêteté.
Il énonce que le soignant doit agir, envers le soigné, de la façon la plus intègre possible, en faisant passer les intérêts de ce dernier avant les siens tant qu’il est possible de le faire. La limite de ce principe est que l’on peut commettre des erreurs en toute honnêteté et qu’être honnête ne suffit pas.

2.6. Le principe de précaution.
Ce principe recoupe directement le principe de non malfaisance, en comparaison du quel nous pouvons citer l’adage suivant : « Dans le doute abstiens-toi ». Il prône la prudence et la réserve de la décision. Si nous ne pouvons conformément au principe de non malfaisance nous assurer que le bénéfice de l’action l’emportera sur ses inconvénients, nous devons nous abstenir de toute action et appliquer le principe de précaution.

2.7. Le principe de responsabilité
Le principe de responsabilité doit permettre à chacun de répondre de ses actes juridiquement (le droit) ou moralement. Il oblige donc à la compétence et à la qualité.

3. Qu’est-ce que la qualité en matière de soins ?

Selon Llorca, la qualité est représentée par la reconnaissance de critères préalables nous permettant de reconnaître nos actions comme conformes à un référentiel donné. Cela implique donc l’existence et la reconnaissance d’une norme « professionnelle » établie.

4. Qu’est-ce que la compétence ?

Elle se définit comme :

« La capacité que possède une personne de porter un jugement de valeur dans un domaine dont elle a une connaissance approfondie » (Note 5. Trésor de la langue française informatisé consultable à l’adresse suivante).

Elle correspond à l’aptitude à mettre en œuvre des capacités techniques et d’analyse devant présider à la décision pratique. Cette reconnaissance est attribuée par une autorité compétente et par le diplôme d’exercice.
Ainsi qualité et compétence sont deux formes de reconnaissance. Le bon usage de l’ostéopathie est nécessairement une affaire d’éthique. Car en tant qu’acteurs de santé il est important de prendre en compte toute la dimension de la relation soigné, soignant. Cette relation naît de la souffrance qui impose la nécessité d’action confiée à un tiers compétent et de confiance : le soignant. Nous avons donc besoin de repères normatifs (la déontologie) et de principes modérateurs représentés par l’éthique.

5. Synthèse

L’ostéopathie se veut une approche régulatrice du potentiel de santé, dépassant le simple aspect mécanique du sujet elle intègre une approche environnementale de l’individu. Elle possède un corpus de connaissances issu des sciences fondamentales que sont : l’anatomie, la physiologie, l’embryologie et la sémiologie, qu’elle tente de mettre au service de sa philosophie, et un outil thérapeutique unique : la main.

Notes

1. Llorca G. Du raisonnement médical à la décision partagée. Paris Med Line, 2003, p 78.
2. Svandra P. Le soignant et la démarche éthique. Paris. Estem De Boeck diffusion, 2009 p. 10
3. Llorca G, op. cit., p 98-122.
4. « D’abord ne pas nuire, ensuite soigner ».
5. Trésor de la langue française informatisé.


V. - Discussion
La théorie peut-elle prendre à défaut notre pratique ?


L’ostéopathie se définissant comme une pratique clinique, doit obligatoirement faire face à deux impératifs majeurs, le premier celui de l’ajustement de son corpus théorique aux données acquises de la science et le second celui de la cohérence du paradigme ostéopathique avec la pratique de l’ostéopathie.

Si la notion de concept évoque une représentation mentale statique et immuable, l’idée intuitive et générale que l’on se fait d’une chose, celle de paradigme représente une conception valable à une certaine époque et pouvant se modifier. Ne parle-t-on pas de changement de paradigme ? En voici la définition exacte, au sens épistémologique, un paradigme est :

« Une conception théorique ayant cours à une certaine époque dans une communauté définie et qui fonde les types d’explications envisageables ainsi que les différents faits à découvrir dans un domaine donné »
Trésor de la langue française informatisé.

Un paradigme est un modèle explicatif qui s’installe dans la conscience collective des scientifiques d’une époque et devient une référence commune.

Un paradigme est par définition en perpétuelle évolution au regard des connaissances admises et de ce qu’il reste encore à expliquer et à découvrir. De fait peut-on alors considérer que le paradigme ostéopathique puisse prendre à défaut notre pratique ? Ce qui est admis aujourd’hui le sera-t-il demain ? Ce qui n’est pas vérifié aujourd’hui pourra-t-il l’être dans l’avenir ?

Attardons nous quelques instants sur la signification généralement ambiguë du mot théorie.

Le mot théorie en sciences n’a pas le sens péjoratif que l’opinion lui attribue habituellement, celui d’une vision gratuite de la réalité. Toute théorie est un point de vue intellectuel, un ensemble d’idées coordonnées logiquement permettant d’expliquer et d’interpréter certains aspects de la réalité.

1. Comment se construit une théorie scientifique ?

Toute théorie procède de la construction intellectuelle hypothétique et synthétique, relevant de l’observation critique et peut être vérifiée par l’expérimentation. La démarche scientifique comporte trois phases, la première phase dite d’observation permettant de définir le problème à résoudre, la seconde phase dite d’induction consiste à émettre une hypothèse théorique, la troisième phase représentée par l’expérimentation, qui confirme ou infirme l’hypothèse de départ. La phase d’expérimentation débouche sur l’élaboration d’une théorie.
Nous avons résumé ces différentes étapes à la figure 6.

Figure 6 : Construction d’une théorie scientifique

2. Quand peut-on dire d’une théorie qu’elle est scientifique ?

On attribue habituellement à l’ostéopathie le fait d’adopter une démarche prétendument scientifique et de ne pas en respecter les critères. Le propre des théories scientifiques est de pouvoir être vérifié par l’expérience. Entre deux théories contraires quel autre critère permettrait de trancher ? C’est donc la possibilité d’un contrôle expérimental qui permet de reconnaître le caractère scientifique d’une théorie. Donc le propre d’une théorie scientifique n’est pas d’être vérifié mais d’être vérifiable et d’offrir ainsi la possibilité d’imaginer une expérience qui puisse le cas échéant, en montrer l’invalidité.

Si la discipline a réponse à tout par avance, et n’offre aucune perspective possible de remise en cause, elle ne peut prétendre à la scientificité.

Selon Karl Popper (2)

« La méthode scientifique, c’est la méthode des conjectures audacieuses et des tentatives ingénieuses et rigoureuses pour les réfuter. »

Une conjecture audacieuse est une théorie qui a un grand contenu. Plus grand que la théorie qu’elle va supplanter.

Le passage de l’observation à la théorie.

Popper distingue dans toute tentative d’élaboration d’une connaissance scientifique, l’énoncé des choses à expliquer issues de l’observation qu’il nomme l’explicandum et les énoncés explicatifs, qu’il appelle l’explicans. Pour être satisfaisant l’explicans doit remplir certaines conditions. Tout d’abord il doit avoir l’explicandum pour conséquence logique. Ensuite l’explicans devrait être vrai ou ne pas être connu comme faux. Quand on ne sait pas s’il est vrai, il doit y avoir des preuves indépendantes en sa faveur. Et il doit être testable.

Prenons l’exemple de la théorie du M.R.P. L’explicandum est issu de l’observation de la conformation anatomique des sutures crâniennes, nous pouvons donc le considérer comme vrai. L’explicans remplit bien la première condition : il a pour conséquence logique l’explicandum. Les énoncés explicatifs du M.R.P auraient pour conséquence logique d’expliquer le M.R.P. s’ils s’avéraient vrais. La seconde condition est elle aussi réalisée : si les explications du M.R.P ne sont pas reconnues comme vraies, elles ne sont pas toutes reconnues comme fausses pour autant. La troisième condition : celle de l’existence de preuves indépendantes en faveur de l’explicans est partiellement réalisée, puisque il est vérifié que les sutures crâniennes sont le siège d’infimes mouvements (3).

Il n’en va pas de même pour la mise à l’épreuve expérimentale, faute de moyen technologique.

La cohérence d’une théorie est dépendante de la cohérence de ses hypothèses constitutives. Selon le schéma général de la figure 6, l’explicandum est issu de l’observation (O), l’hypothèse (H) formulée suite à l’observation peut être assimilée à l’explicans (hypothèse explicative de O). Donc H doit remplir les conditions déjà mentionnées c’est-à-dire, que si H était vérifiée elle impliquerait la vérification de O en toute logique et donc la validation de la théorie (T). Si l’on se réfère à la démarche scientifique, seule l’expérimentation (E) peut valider H. L’aboutissement de cette logique est la théorie.

La validité d’une théorie ne peut être obtenue que par la mise à l’épreuve de H.

De ce qui vient d’être dit nous pouvons en déduire que la théorie du M.R.P ne suit pas la logique scientifique. Car seule aujourd’hui fait défaut la possibilité de mise à l’épreuve de H et certaines de ses hypothèses sont fortement controversées.

Mais cette théorie n’est pas pour autant incohérente. La théorie du M.R.P est cohérente mais non validée. C’est donc l’ensemble de ses hypothèses constitutives (les cinq composantes du M.R.P) qu’il faut maintenir à un niveau de cohérence satisfaisant, en éliminant les hypothèses invalides au regard des connaissances acquises de la science.

Pour la suite nous considérerons le mot théorie au sens antonymique de pratique, le but de notre propos n’étant pas de passer en revue l’ensemble des théories existantes en ostéopathie, mais de confronter la pertinence de notre cadre théorique à celui de l’exercice clinique.

3. L’accord entre théorie et pratique ?

Il nous faut considérer le lien existant entre la théorie et la pratique comme fondamental. En effet la pratique que nous évoquons ici n’est autre que la mise en application d’un savoir : c’est un savoir faire. À ce titre on peut admettre que la pratique est l’activité qui vise à appliquer une théorie et qui cherche des résultats concrets. Elle ne peut se concevoir sans cadre théorique ni adéquation entre théorie et pratique. La théorie a pour conséquence la pratique et inversement.

Notre pratique peut être prise à défaut par notre théorie pour différentes raisons. Si nous reprenons d’une façon plus générale l’ensemble des considérations relatives à l’élaboration de toute théorie, nous pouvons évoquer plusieurs situations possibles.

Une théorie incohérente :
C’est le cas quand H n’a pas pour conséquence logique O. L’hypothèse de départ ne vérifierait pas l’observation si elle était validée, en ce sens qu’il n’y a pas de lien logique entre H et O. Cette situation peut conduire à un exercice « hors sujet », la pratique étant subordonnée à la théorie.

Une théorie erronée :
C’est le cas où E a invalidé H. Conduit à une pratique irresponsable.

Une théorie non validée :
C’est le cas où E n’a pas pu mettre à l’épreuve H, cela oblige à une pratique prudente. Le praticien doit rapprocher sa pratique du niveau de cohérence de sa théorie.

Confondre théorie et loi :
Conduit à une pratique sans discernement. Le praticien suit un raisonnement relevant de la pétition de principe : il tient pour vrai ce qu’il s’agit de démontrer.

La théorie est un point de vue contemplatif (4) de la réalité, en ce sens on peut dire que si la vision de la réalité qu’elle renvoie est faussée, c’est alors qu’elle peut prendre à défaut notre pratique. Or n’est-ce pas précisément ce qui se passe dans les exemples précités, au nom du principe d’adéquation entre théorie et pratique ?

Toute insuffisance dans la structure de la théorie pourra impliquer une déficience de la pratique.

Ainsi serait-on tenter de dire qu’une théorie incohérente amène une pratique incohérente, une théorie erronée conduit à une pratique erronée et qu’à une théorie non validée correspond une pratique non reconnue par l’autorité. Le passage du cadre théorique à celui de la pratique clinique n’est-il pas une affaire de jugement ? Juger de la pertinence et du bien fondé de notre corpus théorique et avoir connaissance des faiblesses potentielles de nos théories n’est-il pas un bon moyen de contourner le problème ? Il nous faudra donc évaluer le degré de cohérence des hypothèses constitutives de l’explicans, afin d’en augmenter son degré de pertinence.

L’accord de la théorie et de la pratique requiert toujours plus et non moins de théorie. En effet quand une théorie est en désaccord avec la pratique, peut-on lui reprocher de n’être qu’une théorie ? De ne pas être une théorie ? Ou de ne pas l’être assez ? Notre théorie loin de n’être qu’une simple idée de la pratique doit en fixer les normes. Une pratique clinique ne peut constituer une simple praxie, dénuée de toute réflexion. A ce titre notre cadre théorique doit permettre d’établir une certaine normativité des pratiques, il définit le référentiel dans lequel va évoluer notre raisonnement et à partir duquel va s’organiser et se structurer la pratique de l’ostéopathie, il définit le contexte de prise en charge thérapeutique.

Figure 7 : Référentiel qualité

Ce contexte ne pourra correspondre au final qu’au cadre théorique préalablement défini. Le corpus théorique devrait être en mesure de nous fournir tous les éléments nécessaires à l’élaboration d’un référentiel qualité de l’ostéopathie. La figure 7 montre l’interrelation constante entre les trois entités qui constituent le référentiel qualité de la pratique ostéopathique.
Le passage de la théorie à la pratique est multifactoriel et doit s’opérer autour d’un consensus entre théorie, pratique et normes acceptées. Il doit pour être acceptable tenir compte du fait que la théorie est par définition la tentative d’explication de l’universel, alors que notre pratique se veut être la résolution du particulier.
Seul le jugement d’un praticien averti permet d’approcher au plus près la résolution du problème clinique dans le respect de normes acceptables. Ces normes doivent être définies par référence aux principes de l’éthique clinique, véritables garde-fous de la pratique.

Notes

1. Trésor de la langue française informatisé.
2. Popper K. La connaissance objective. Paris ; 1998 p 147-148.
3. Rapport BCOHTA, p XIII accessible depuis l’URL :
4. Etymologiquement la théorie est la science qui traite de la contemplation (Trésor de la langue française informatisé)


VI. Conclusion


« Posséder des pensées vraies, c’est à proprement parler posséder de précieux instruments pour l’action. »
William James, Le pragmatisme, 1907.

Ainsi pourrait-on conclure notre propos. Au sens large, la théorie peut être définie comme la conscience de la pratique. Sans conception théorique il est illusoire de vouloir mettre en place la moindre stratégie d’action. La transmission du savoir en ostéopathie, est issue d’une tradition de conceptualisation et de métaphorisation de la connaissance, ne laissant que peu de place à la connaissance objective. Le recours à la modélisation s’est imposé comme seul moyen d’enseignement, offrant ainsi à l’ostéopathie un corpus théorique conséquent. Les connaissances de nos prédécesseurs ne pouvaient prétendre qu’à l’élaboration de modèles, dont certaines hypothèses, s’avèrent aujourd’hui surannées.

Néanmoins ces modèles demeurent cohérents et constituent aujourd’hui encore la base de notre pratique. La préservation de notre corpus théorique est essentielle à la sauvegarde de notre pratique. Aussi de la volonté de perpétuer ce savoir, naît la nécessité de le faire évoluer et d’y intégrer les données acquises de la science. Mais l’ostéopathie peut-elle prétendre à la scientificité ? La méthode scientifique est chère aux opposants à l’ostéopathie comme argument de discrédit.

Mais il importe ici de ne pas confondre le domaine de la science ostéopathique avec celui des autres sciences. Sciences exactes versus Sciences inexactes, l’exactitude implicitement dévalorisante en regard de l’inexactitude tacitement avouée. L’ambiguïté sur la signification du mot « science » ne doit pas faire oublier son sens premier, qui est celui d’un ensemble de connaissances. On peut en donner la définition suivante : « Ensemble structuré de connaissances qui se rapportent à des faits obéissant à des lois objectives (ou considérés comme tels) et dont la mise au point exige systématisation et méthode » (1).

L’objectivité en ostéopathie étant difficilement réalisable nous devons pour nous en approcher nous tourner vers l’explication et la systématisation de nos modèles théoriques, c’est ainsi que nous ferons progresser notre connaissance et que nous maintiendrons notre pratique à un niveau de cohérence acceptable.

Perdre la théorie c’est perdre nos possibilités de la vérifier.

Andrew Taylor Still et ses successeurs nous ont légué une approche de l’individu peu commune, qu’il nous appartient de faire progresser.

Note

1. Trésor de la langue française informatisé consultable à l’adresse suivante : http://atilf.atilf.fr/tlf.htm tab Bibliographie

Bibliographie

Livres

Barral J.-P. (1983). Manipulations viscérales 1 (2e édition 2004). Paris : Elsevier SAS.
Canguilhem G. (1966). Le normal et le pathologique. Paris, Presses Universitaires de France.
Caporossi R. (1992). Traité d’ostéopathie Crânienne. Aix en Provence : Edition S.I.O-De Verlaque.
Cleland J. Examen clinique de l’appareil locomoteur. Elsevier Masson SAS.
Croibier A. (2005). Diagnostic ostéopathique général. Paris : Elsevier SAS.
Greenman P. E. (1996). Principes de médecine manuelle (2e Édition 1998). (E.-O. Renard, Trad.) Paris : Masson-William & Wilkins.
Javerliat P. (2008). Précis de matière ostéopathique. Vannes : Editions Sully.
Javerliat P. (2004, Février 2004). « Réflexions sur le diagnostic ». Apostill, pp. 35-37.
Kassirer J. & Kopelmann R. (1989). “Cognitive errors in diagnosis : instantation, classification and consequences”. The American Journal of Medecine, 433-440.
Le Corre, F. (1996). L’ostéopathie (2e Édition 1998). Paris : Presses Universitaires de France.
Llorca G. (2003). Du raisonnement médical à la décision partagée. Paris : Éditions Med Line.
Lonchampt P. (2007). Bases de physiologie générale, grandes fonctions et régulations. Paris : Ellipses Éditions.
Marieb E. N. (1998). Anatomie et physiologie humaines (4e Édition). Canada : De Boeck Université.
Masquelet A. C. (2006). Le raisonnement médical. Paris : Presses Universitaires de France.
Popper K. (1998). La connaissance objective. (J.-J. Rosat, Trad.) Paris : Flammarion. Rabineau D. (1989). Précis d’embryologie humaine. Paris : Ellipses.
Svandra P. (2009). Le soignant et la démarche éthique. Paris : Estem De Boeck diffusion.
Vander A. (1977). Physiologie humaine (4e Édition 1989). Québec, Canada : Bibliothèque nationale du Canada.

Sites Internet consultés

ATIF : Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française. http://www.atilf.fr/
Serge Carfantan, « De la morale à l’éthique » in Philosophie et spiritualité. http://sergecar.perso.neuf.fr/cours/devoir8.htm
Jean-Claude HERNIOU,« Le Mécanisme Respiratoire Primaire n’existe pas » Revue Aesculape n° 10 de Janvier -février 1998
Article : La perception www.elfege.com/perception.htm
Site de l’Ostéopathie : Rapport BCOHTA,


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